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Le deuil périnaquoi?

Voilà, c’est la même histoire qui se répète inlassablement, chaque année, la spirale infernale, le vortex des fêtes qu’on a plus vraiment le gout de fêter. Il y’a Noël, il y’a le Nouvel An. Et puis pas loin sur le podium, dans le trio de tête des célébrations au gout amer, il y’a la fête des mères. Qui revient à la charge avec son lot de promotions spéciales, de parfums en têtes de gondole, d’aspirateurs en promo (vraiment, c’est comme ça que tu gâtes ta maman?), et, pour tout un tas de parents dont on ne veut toujours pas dire le nom, la grosse boule dans la gorge qui monte, qui monte.

Vous avez remarqué? Pendant le confinement, les comptes et blogs dédiés à la parentalité se sont tous émus de ces futures mamans qui devaient aller accoucher seules dans les maternités. Des menaces de baby blues qui pesaient d’autant plus que ces femmes allaient être plus ou moins être livrées à elle mêmes pendant cette période si délicate que constituent les premiers jours de la vie de bébé. Vraiment, je comprends, je compatis, un max – mes vagues réminiscences des premiers jours avec Kate se heurtant à des flashbacks de nuit, ma puce hurlant dans les bras de sa maman totalement désemparée. Mais je n’ai entendu personne, pas la moindre petite voix s’élever, pour penser à celles qui s’apprêtaient à vivre la même épreuve – sans bébé lors du voyage retour.

Pour avoir vécu ma fausse-couche seule, mon curetage seule, je peux vous le dire: cette expérience traumatique en solitude forcée est atroce. Inimaginable. Et, si je n’avais pas vécu deux IMG ces dernières années, je ne suis pas sure que je serais capable de vous en parler sans en chialer de terreur et de tristesse derrière mon écran d’ordinateur.

Encore une fois, le deuil périnatal, tabou des tabous, est resté aux oubliettes pendant le confinement. Y compris sur les comptes et sites qui auraient du en parler – au moins un minimum. A croire que, si l’on peut parler de post-partum et afficher fièrement ses culottes filets sur son compte Twitter, que si l’on peut discuter baby blues sans honte et retour de couche sanguinolents sur Instagram, il est toujours insupportable d’entendre que 7000 couples perdent un bébé après le premier trimestre chaque année en France. A croire qu’on oublie un peu trop vite ces 20 à 25% de couples qui vivent une fausse-couche précoce lors des 3 premiers mois. Et ce, quel que soit le réseau social.

Et, guess what? la nature n’a pas fait de pause pendant le confinement.

 

Alors vous allez me dire que l’actualité de ces derniers jours ne s’y prête plus trop, et je ne peux qu’être d’accord avec vous. Il n’empêche: s’il est une leçon que j’ai retenue bien malgré moi au cours de ces 3 derniers mois, c’est que le tabou autour du deuil périnatal a encore de très beaux jours devant lui, et nous avons tous, collectivement, manqué l’occasion d’en parler lorsque c’était pourtant le moment, une fois encore. Il y aurait pourtant tellement à dire sur le traumatisme que ces femmes ont vécu, seules dans leurs chambres d’hôpital…

Cela ne me met même plus en colère, je crois que je suis juste triste, et un peu lasse, aussi.

 

Donc aujourd’hui je voudrais adresser une pensée à toutes celles qui voient cette fête des mères se profiler sans leur bébé. Qu’elles soient redevenues mamans, ou non. Qu’elles aient vécu leur deuil de confinement planquées dans un coin de leur appartement pour se cacher des autres enfants bien vivants, ou libres de pleurer dans une maison désespérément vide avec jardin. Qu’elles aient 20, 35 ou 60 ans, des projets plein la tête ou plus l’esprit à rien.

Vous n’êtes pas seules, et si le reste du monde fait mine d’ignorer que vous n’existez pas, alors tournez vous vers les personnes qui seront capables de vous entendre. Vers le reste de la communauté des mamans endeuillées, qui saura vous accueillir à bras ouvert, au sein des associations, des comptes Instagram dédiés, des groupes de parole de votre ville ou de votre quartier.

J’aime à penser qu’un jour, le deuil périnatal cessera enfin d’être le sujet tabou qu’il est aujourd’hui, pour prendre la place qu’il mérite dans les petites et grandes histoires de la maternité, au pluriel. Ces récits et ces confidences qui tissent entre femmes, entre proches, de vive voix ou ailleurs, avec bienveillance et liberté de parole, pour venir construire l’Histoire de la maternité, avec un grand H. Parce qu’il n’est pas de vie sans mort, parce que le début de toutes choses est aussi la fin de certains. Parce qu’il est illusoire de continuer à s’imaginer que les bébés naissent tous égaux en ce bas monde face à la biologie, à la génétique, au trop peu de chance et au vraiment pas de bol.

 

Bref, un jour peut-être. Pendant ce temps, serrons-nous les coudes.

Je penserai bien à vous ce dimanche.

Cet article a 4 commentaires

  1. Géraldine

    Merci pour cet article. Ma fille est morte par MFIU juste avant le confinement, je dois dire qu’effectivement ça a du ajouter une grosse couche de difficulté sur notre deuil. Coincés chez nous sans possibilité de s’éloigner un peu de notre maison, seuls sans câlins de nos familles et nos amis. Mais surtout je crois que ça a freiné mon processus de deuil ; je n’ai pas eu à me confronter à l’extérieur et c’est pourtant cette confrontation qui est la plus difficile. Du coup je reprends le travail alors que tout est encore très vif dans mon esprit. Non c’est comme ça ! Vous parlez des groupes de parole mais en fait dans ma ville où j’ai pris contact avec l’association AGAPA, les groupes de paroles n’ont pas lieu à cause du COVID, le premier sera en septembre, pourtant je peux vous dire que j’en avais vraiment besoin.
    Bref deuil perinatal en période covid c’est bof bof et encore nous on a de la chance, on a pu faire les obsèques de notre fille avant le confinement, mais j’ai pu lire sur Instagram que des parents n’ont pas où en faire pour leur bébé et c’est c’est franchement maltraitant !
    Géraldine

  2. Enna

    Merci pour les mamans concernées et pour l’éclairage que tu apportes à ceux qui ne sont pas directement concernés.

  3. Weena

    Voilà, j’ai les larmes aux yeux …
    Ça a été une de mes pensées récurrentes durant le confinement : Et si nous avions perdu PetitPrince pendant le confinement … Je n’osais imaginer la souffrance de tous ces parents, confronté à la perte de leur enfant, la chair de leur chair, sans pouvoir compter sur l’élan de solidarité que nous avons connu nous. Voir mes proches traverser la France, à l’arrache, en plein pont juillet/août avait été un tel soutient …

  4. Madame Colombe

    Julie,

    Merci pour cette chronique qui tranche résolument avec les discours habituels autour de la fête des mères. Entre les mères qui redoutent le cadeau do it yourself de leurs enfants, et celles qui revent pour cette fête d’une journée sans enfants, il y a de quoi s’interroger.

    Merci de ne pas oublier les mamans en deuil. La mienne se réjouit des cadeaux que je lui offre, mais il manquera à chacune de ces fêtes, mon frère, son fils décédé il y a 30 ans. Même chose pour la fête des pères, Noël…

    Je connaissais peu le deuil périnatal ( pour tout dire, je ne savais pas qu’il y avait un terme spécifique) mais grâce à vous, cela est réparé. Je vous souhaite bon courage pour cette journée. Bien des choses à vous et votre petite Kate.

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