You are currently viewing Face à la révision des lois sur la bioéthique, remettons aussi l’amour parental au coeur du débat

Face à la révision des lois sur la bioéthique, remettons aussi l’amour parental au coeur du débat

Vous connaissez mon histoire et mon parcours, pourtant, vous aurez remarqué que je ne me suis jamais réellement exprimée sur le sujet. Avec mon mari, nous avons vécu deux IMG. Nous sommes porteurs d’une maladie mortelle d’origine génétique encore non identifiée à ce jour. Si nous souhaitons agrandir notre famille, nous devrons donc nécessairement accéder à ce que j’appelle poliment une « PMA améliorée ».

 

Je lis donc les articles de presse relatant les débats en cours autour de ces lois – et il est vrai que ce débats sont aussi importants que brûlants. Les questions autour de la conservation des ovocytes, de l’anonymat des donneurs et donneuses de gamètes, de diagnostic pré-implantatoire et d’accès à la PMA pour toutes doivent être nécessairement encadrés, revérifiés, débattus. Le simple fait que ces débats existe est d’une importance capitale, selon moi, parce que parler de tout ça permet de faire exister ce que le reste du monde ignore totalement. Qu’il existe en réalité 1 couple sur 6 qui ne parvient pas à avoir de bébé sans aide médicale. Que l’infertilité ne concerne pas que « les autres », les gens malades, à problème. Que la stérilité, ce n’est pas juste « dans la tête », et que pour beaucoup de couples, le « lâcher prise » ne suffira jamais.

C’est pour tous ces couples que ces débats, que ces lois doivent exister.

Le problème, c’est que ces couples, je ne les entends pas.

 

J’entends qu’on invite des experts en génétique et en bioéthique sur les plateaux de télé, à côté de représentants politiques qui me semblent, le plus souvent, totalement dépassés par le sujet. Je vois des représentants religieux se succéder pour donner leur avis d’un point de vue purement théologique – eux qui ne sont le plus souvent pas concernés directement par la parentalité ni le désir d’enfant. J’entends parler d’intérêt de l’enfant à tout va, de réforme de la société, j’entends les mise en garde contre les promesses d’un eugénisme devenu inévitable sur le long terme, comme si le législateur d’aujourd’hui permettait aux médecins de demain de jouer aux savants fous.

J’entends beaucoup de choses, mais si peu s’approchent de la réalité des familles concernées. A ce député qui s’émouvait que ces nouvelles lois puissent conduire des parents fertiles à préférer la PMA à la couette pour obtenir un enfant parfait, je ris (jaune): sait-il seulement de quoi il parle? Sait-il seulement ce qu’implique un parcours PMA?

Assurément pas.

 

C’est bien la que le bât blesse: dans la tête de trop nombreuses personnes, une PMA, c’est un médecin, une éprouvette, et une grossesse garantie en quelques semaines.  La réalité?

La PMA, c’est avant tout un parcours du combattant. Pour les couples hétérosexuels français, ce sont déjà plusieurs années d’attente, d’échecs, de fausse-couches successives avant de se tourner vers un médecin capable de les orienter pour une prise en charge adaptée. Ce sont ensuite des traitements, parfois humiliants, parfois douloureux.

 

Une PMA avec don de gamètes, ou un Diagnostic Pré-implantatoire, par chez moi, c’est en moyenne 2 à 3 ans d’attente. Pas avant de tomber enceinte, non: avant de commencer les FIV. C’est ce  qui se murmure entre patientes, et ce qui m’a été confirmé lorsque j’ai voulu contacter un CECOS pour avoir des informations.

Un couple comme le mien, porteur d’une maladie génétique mortelle non identifiée mais déjà parents d’une petite fille en parfaite santé ne serait pas considéré comme prioritaire- et pourquoi le serions-nous, face à la pénurie massive de donneurs et de donneuses en France.

C’est donc ça, la PMA: des RDV à n’en plus finir, des délais parfois hallucinants entre deux RDV, des jours de congés qui se posent pour attendre simplement son tour dans un couloir d’hôpital. Pour les couples de femmes, les femmes seules, ou les couples hétérosexuels sans recours en France (dont je fais donc partie), c’est itou, mais à l’étranger. Vous voyez le délire? Vous vous imaginez prendre l’avion pour un rdv médical, vous? Moi pas, avant d’être concernée.

Prenons mon parcours, tiens, puisqu’on aborde le sujet: je prends RDV dans une clinique espagnole en février. Le premier RDV proposé? En mai. Depuis? Ras. Des examens, une recherche de donneuse qui prendra encore quelques mois. Pas d’essai avant 2020, et puis… et puis prendra quand ça prendra, sans garantie aucune à chaque tentative de FIV. Et je vous parle de la voie rapide, celle qu’on pratique quand on a de l’argent de côté. Le caviar et Champagne de la PMA avec don d’ovocytes. Royal.

Tu parles, Charles.

 

Alors quand j’entends ces députés s’émouvoir du sort de l’enfant, s’insurger du « droit à l’enfant », évoquer la possibilité d’inscrire le mode de conception des enfants issus d’un don à l’état-civil, je ne ris plus, je m’étrangle.

Comment oser nous dire que nous ferions cela par « facilité »? Que nous n’avons pas assez pensé à notre projet d’enfant? Que nous avons des vélléités à obtenir un enfant trangénique, « parfait », alors que tout ce que nous demandons, c’est la possibilité d’être parents?

L’autre dimanche, à la messe, j’ai entendu le curé de la paroisse appeler à manifester le 6 octobre, et sur le coup, cela m’a brisé le cœur. Je ne conçois pas l’enfant comme un « droit », je ne demande rien, si ce n’est la possibilité de tomber enceinte d’un bébé qui ne sera pas condamné aux soins palliatifs à la naissance – dans le meilleur des cas. S’il y’a bien une chose que j’ai comprise de mon parcours, de mes deux Interruptions Médicales de Grossesse, c’est que l’amour maternel, l’amour parental, ne se commande pas, ne se discute pas.

 

Laissez donc les spécialistes s’entredévorer sur les plateaux des chaines d’infos si cela vous fait plaisir et vous galavanise aux heures de grande écoute, mais par pitié: arrêtez de ne réduire le débat sur la PMA qu’à une simple dispute sur ce qui serait, selon certains, le modèle parental idéal.

Ces enfants issus de la PMA permise par les nouvelles lois seront aimés, choyés, protégés. Je ne sais pas s’il seront « plus » aimés que dans les familles hétérosexuelles fertiles, mais ce dont je suis certaine, c’est qu’ils ne seront pas moins aimés. Ce que je sais aussi, pour avoir grandi dans une famille monoparentale, c’est qu’ils finiront à l’âge adulte tout autant équilibrés – ou névrosés, c’est selon, si vous voyez le verre à moitié vide – que les autres. Ce que je sais également, c’est que leurs parents, eux, n’auront plus à souffrir inutilement, trimballés dans des parcours hors de prix à l’étranger, pour pouvoir concevoir – et ça, c’est pour les plus chanceux.

Laissez nous avoir des bébés – pas au nom d’un « droit » supposé à l’enfant, qui ne fait que ramener notre désir de parentalité à une simple démarche de consommation. Non, laissez-nous avoir des enfants par amour, tout simplement. Parce que ce bébé, s’il arrive un jour, est déjà inconditionnellement aimé. Dans le fond, il est là, le vrai débat. C’est pas de la marchandisation, c’est pas de la consommation, c’est pas de l’envie bête et méchante: c’est l’amour, le coeur du sujet. Et c’est de ça, dont on devrait un peu plus parler.

 

 

 

Cet article a 15 commentaires

  1. Ariel

    Bonjour,
    De bon matin, vous avez réussi à me tirer des larmes! Parce que votre article est tellement juste, et revient aux fondements même de la famille : l’amour. Si seulement nos politiciens et politiciennes pouvaient le lire ! Si seulement tous les bien-pensant pétris de convictions et fermés au dialogue pouvaient en avoir connaissance !
    Bravo pour cet article, et tous mes voeux de réussite pour votre parcours PMA.

    1. Urbanie

      Merci beaucoup Ariel. <3

  2. Manuela

    C’est bien tout le problème de sujets comme la PMA, le mariage pour tous, le port du voile etc. On ne donne jamais la parole aux personnes concernées. Tu l’expliques très bien. On écoute des personnes qui sont peu ou pas concernées. Celles qui ont un agenda politique et ajustent le positionnement en fonction…
    Je trouve incroyable que ces non-concernés aient une parole plus écoutée et souvent considérée comme plus légitime. C’est inadmissible…Bref, je t’envoie (vous) tout mon soutien dans ce parcours et vous souhaite de connaître une nouvelle fois ce bonheur.

    1. Urbanie

      Merci Manuela! <3

  3. Ségolène

    Mon mari et moi avons attendu 6 ans notre fille. 6 ans donc 4 en PMA avec 4 FIV ICSI, 6 TEC et seulement deux grossesses dont une qui s’est terminée à 9 SA par une fausse couche. Ça nous a coûté une fortune parce que la PMA n’est pas complètement remboursée en Allemagne, pays où nous vivons. Et oui, on aurait largement preferere faire un bébé sans piqûres, juste nous deux sans médecins.
    Et puis, on vient d’avoir une chance folle. Notre fille a un an 1/2, on a fait une nouvelle fiv sans trop y croire (vu notre parcours du combattant pour l’avoir) et ça a fonctionné. Et plus que jamais, je mesure la chance immense qu’on a eu.

    1. Urbanie

      Je pense qu’on ne peut pas se rendre de ce parcours du combattant, du cout financier, humain, psychologique… que la PMA implique, surtout quand on doit sortir des clous. Je suis très heureuse de lire que la chance vous sourit. 🙂

  4. Weena

    <3 tu as raison de recentrer le débat …. pour être un bébé PMA (léger, ma mère n'aura eu besoin que de stimulation dans son cas), c'est vrai que le coté scientifique fait parfois oublier qu'il y a des vrais gens en souffrance derrière …

  5. claire

    Bien d’accord avec toi (comme toujours 🙂 ! Moi aussi je m’étrangle sur les discours pompeux et faciles de personnes tellement pas concernées ! Surtout que je suis un peu dans le même cas que toi, (j’ai eu plus de chance, j’ai réussi entre 3 FC et 2 IMG à avoir 2 enfants en vie et en bonne santé) avec une maladie génétique mortelle dont on ne connaît pas les gènes… LA PMA avec DPI ce n’est même pas possible pour nous, alors ils me font rire avec leurs « enfant parfait »…

    1. Urbanie

      Mais oui… enfant parfait, enfant parfait… enfant vivant pour commencer, ce serait déjà pas mal.
      Merci pour ton gentil commentaire. Je suis heureuse de lire que vous avez malgré tout pu fonder votre famille. <3

  6. CéciliAcidulée

    Excellent article (comme toujours 😉 ) car oui, comme tu dis, on n’entend jamais les couples concernés et ceux qui donnent leur avis n’ont jamais été confrontés au problème.

    1. Urbanie

      Merci 🙂

  7. Irène

    Tellement émue par ton article et la réalité que tu dépeins, loin des fantasmes de certains…

Répondre à Urbanie Annuler la réponse

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.