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(La minute littéraire) Nos étoiles ont filé, Anne-Marie Revol

Le livre dont je vous parle aujourd’hui n’est pas un livre récent, il ne parle pas non plus de deuil périnatal, à vrai dire, et, si cela faisait des années que je souhaitais le lire, que son nom me revenait régulièrement en tête lors de mes visites en librairie, je repoussais sans cesse l’échéance face à la dureté du sujet.

Grand Prix des Lectrices de ELLE 2010, « Nos étoiles ont filé » est le récit épistolaire d’Anne-Marie Revol à ses deux filles, Pénélope et Paloma, 2 ans et demie et 16 mois, décédées dans un incendie le 11 aout 2008. Il n’y a pas de mot pour décrire un tel chagrin, alors l’auteure écrit chaque jour ou presque à ses deux filles pour leur raconter le quotidien, l’après: la survie qui s’organise lentement, méthodiquement; le trou béant laissé par l’absence des deux fillettes; les questionnements, la culpabilité: pourquoi elles, pourquoi nous?

Si le récit est avant tout un immense cri d’amour, celui d’une mère littéralement amputée d’une partie d’elle, les lettres rédigées chaque jour ou presque dessinent également le chemin du deuil et de la reconstruction. Comment oser vivre, après « ça », sans se sentir immensément coupable? Au chagrin vif et violent, qui laisse régulièrement les oreillers du lit conjugal trempé de larmes, se succèdent également des moments d’apaisement, de douceur. La vie « d’après », après le 11 aout 2008, reprend son cour petit à petit, et c’est sans doute ce qui rend le deuil si singulier, si violent.

 

Si ce récit n’est donc pas à proprement parler le récit d’un deuil périnatal, je tiens malgré tout à vous le recommander chaudement dans ma petite liste de lectures: parce que vous vous reconnaitrez dans ce chemin de deuil, dans la culpabilité parfois écrasante qui nait des moments de joie retrouvés, dans l’envie viscérale, parfaitement incontrôlable, de redonner la vie pour faire face à la mort. Dans l’ambiguïté de la naissance d’un troisième enfant, aussi, un peu plus d’un an après le drame.

Anne-Marie Revol nous parle aussi de cet entourage tantôt précieux, tantôt toxique, qui l’accable parfois plus qu’il ne la soulage tant l’épreuve qu’elle vit avec son mari fait peur – tétanise, même – celles et ceux qui se projettent parfois plus que de raison (et on fait un gros câlin à la maman d’un copain de crèche qui fuit littéralement la queue du supermarché en abandonnant ses affaires à la vue de l’auteure).

Surtout, Nos étoiles ont filé est superbement écrit: pas de pathos, pas de fioritures, de figures littéraires empruntées. Le ton est brut, sincère, les mots ne cachent rien, ou si peu, de la douleur. Et pourtant, le récit demeure toujours incroyablement pudique (amateurs de faits divers sordides: passez votre chemin). J’imagine que c’est aussi la force des mots: tout dire, sans toutefois devoir tout dévoiler.

Une superbe lecture (que je vous déconseille de lire dans le métro, ceci dit ) (je vous aurais prévenus) disponible sur le site de la Fnac et sur Amazon.

Cet article a 4 commentaires

  1. Stella

    Merci pour ce partage.

  2. Natou

    Jai toujours pensé que tant qu’il s’agissait de bébé ou de jeune enfant on parlait de deuil périnatal. Quel est le mot pour désigner la perte d’un bébé qui a vécu plus que 28 jours alors ?

    1. Urbanie

      Je ne connais pas bien les « limites », pour moi 28 jours on parle de deuil périnatal aussi. Mais la, dans Nos étoiles ont filé les enfants étaient bien plus âgés.

  3. Weena

    Merci pour ce partage, je sais que ce genre de lecture me fera du bien … je ne sais juste pas si c’est déjà le bon moment …
    Pour Natou, il me semble qu’on parle de deuil parental lorsque l’enfant est plus âgé.

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