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5 ans après la perte de mon premier bébé, j’ai juste envie de vous dire que je vais bien

Je sais ce que vous pensez: après un drame pareil, on est forcément abimée, dévastée, pourrie de l’intérieur. C’est impossible de se relever de ça, n’est-ce pas? Je veux dire, on est forcément à terre, on ne s’en relèvera jamais?

Eh bien mes petits amis, j’ai simplement envie de vous dire: non, ce n’est pas vrai. C’est même complètement faux.

Et croyez-le ou pas: aujourd’hui, 5 ans jour pour jour après la mort de mon premier bébé, je vais bien. Je me sens heureuse, épanouie, bien dans mes baskets.

Alors je ne vais pas vous la jouer influenceuse du dimanche, à coup de citations d’auteurs dont on a jamais lu la moindre ligne, sauf dans une story instagram.

« Tourne toi vers le soleil et plisse les yeux l’ombre sera derrière toi ».

« Le bonheur, c’est comme un papillon: il crève au bout de 3 jours vole sans jamais regarder en arrière ».

Je ne citerai que ce bon vieux Forrest: « la vie, c’est comme une boite de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber » – et parfois, c’est de la vieille liqueur de cerise dégueulasse.

Le tableau n’est donc pas parfait à 100%: oui, il y’a des jours sans, des jours où je me trouve nulle, des jours où mes voisins me gonflent et où il vaut mieux ne pas croiser ma route dans le métro. Des jours chiants, avec des contrariétés normales, de la vraie vie, qui peuvent parfois m’empêcher de dormir ou me plonger dans le premier paquet de Schockobons venu, mais qui ne font pas de moi une personne intrinsèquement malheureuse.

Bien évidemment, j’aurais préféré que mon premier bébé ne soit atteint d’une maladie génétique inconnue au bataillon, qui le condamnait à une mort certaine. Oui, c’est sur que si je raisonne comme ça, je peux même aller très loin. J’aurais préféré ne pas déménager en CM1,  travailler plus au lycée, avoir une meilleure mention au bac, ne pas me crouter lamentablement à l’oral d’entrée de Sciences Po Paris, faire parfois de meilleurs choix de carrière. Évidemment, j’ai connu l’échec, comme chacun d’entre vous, et évidemment, j’aurais parfois préféré que les choses tournent autrement.

Mais mon bébé n’était pas un échec. Et, même si je ne l’ai connue que 6 mois in utero, ma fille reste à ce jour l’une des plus belles rencontres de ma vie. Et je ne peux pas regretter ça.

Aujourd’hui, je ne ressens ni colère, ni abattement, mais de la gratitude. Je me sens heureuse d’avoir été sa maman. Je la remercie également chaque jour qui passe d’avoir amené Kate, ma fille adorable et adorée, dans ma vie: parce qu’il a fallu que je perde ma première fille pour tomber enceinte de Kate 5 mois plus tard. C’est confondant de logique, mais cela fait du bien de s’en rappeler.

Si je n’avais pas perdu ma première fille, je serais aussi très certainement en train de continuer à essayer de cocher des cases: d’abord le bébé, puis le boulot, puis la promotion pour pouvoir acheter une grande maison, puis changer la voiture… Est-ce que je serais plus heureuse qu’aujourd’hui? Je n’en ai aucune idée, je n’en suis même pas convaincue, pour être tout à fait honnête avec vous.

Bien sur, j’ai gardé des traces de ce traumatisme. J’ai peur de perdre mes proches, beaucoup plus qu’avant. Je sais que la mort, les accidents, la maladie n’arrivent pas qu’ « aux autres », cette masse indistincte de personnes qui ont forcément du faire des trucs terribles dans une ancienne vie pour vivre de pareilles punitions karmiques (réponse: non).

Mais c’est aussi parce que j’ai désormais peur de les perdre que je sais apprécier chaque seconde que je passe avec eux, et que je suis capable de prioriser ce qui est le plus important dans ma vie.

J’ai aussi pu tester mes propres capacités de résilience: elles fonctionnent (du moins pour le moment) et, croyez-le ou pas, mais j’ai gagné une confiance en moi que je n’avais pas auparavant.

Paradoxalement, la plus grande difficulté à laquelle je dois encore faire face aujourd’hui (en dehors du fait de ne pas réussir à agrandir la famille), c’est justement de convaincre les autres que ce qui m’est arrivé ne m’a pas condamnée à une vie de dépression et d’errance dans les limbes d’une vie qui n’aurait plus aucun sens (c’est beau, on dirait du Mylène Farmer). Ce qui m’est arrivé fait peur aux autres, immensément peur, même. Je n’ose pas toujours dire à de potentiels employeurs que j’écris sur internet, puisque cela reviendrait à prendre le risque de  leur donner le nom de mon blog, et donc de dévoiler cette partie là de ma vie. L’ironie du sort, c’est que mon boulot exige de solides compétences rédactionnelles et de community management. C’est quand même complètement con, quand on y pense, vous ne trouvez pas? Mais j’ai suffisamment connu les mises au placard post-deuil périnatal pour savoir que je n’ai pas du tout envie d’y retourner.

Donc voilà. A vous, qui vivez en ce moment ce que vous pensiez être absolument impensable: le chemin finira par s’éclaircir, et oui, vous pourrez être heureux de nouveau. C’est promis.

A vous, qui avez eu la chance d’être épargnés par la vie: ne nous condamnez pas trop vite, nous sommes mille fois plus que le drame que nous venons de vivre.

Je continue mon petit bonhomme de chemin, je ne sais pas très bien où est-ce que cela me mènera: il y’aura d’autres tuiles, d’autres coups durs, c’est absolument certain. Il y’aura aussi d’autres moments de grâce, d’autres soleils dans ma vie. Et mes filles, que je garde précieusement avec moi.

 

Cet article a 4 commentaires

  1. Aurelie

    Même cheminement que toi et oui on peut apprécier la vie se relever et continuer et choisir de vivre!

  2. Sandy

    MERCI, tout simplement MERCI. Votre texte me donne espoir en des jours meilleurs.

  3. Marie P

    Bonjour. Moi aussi j’ai vecu un drame terrible. Pas la perte d un enfant mais un drame qui les a touchés de plein fouet directement puisqu il sont les victimes de ce drame. Quelques semaines apres ce drame, l’une de mes filles qui auraient pourtant ,elle plus que moi , etre à terre et alors que c’est moi qui était à terre (en hôpital psychiatrique à cause du choc de ce drame), ma fille m’a donc écrit  » tomber est permis, se relever est ordonné « .
    J’ai mis 3 ans à me relever , a sortir de la dépression où j’étais tombée, et aujourd’hui, moi aussi je peux dire que JE VAIS BIEN:)
    Cette épreuve m’a rendue plus forte, plus autonome, plus libre, plus adulte,! Et je ne peux pas aller jusqu’à dire que je suis contente de ce drame qui nous a terrassé mes enfants et moi car ce sont mes filles qui ont subi ce drame, mais aujourd’hui je peux dire que ce fut presque un mal pour un bien et je laisserai le mot de la fin à mon fils qui m’a dit l’autre jour à la fin d’une belle après midi  » elle est quand même belle notre vie, hein maman ? »

  4. BLAISE Allison

    Bonjour

    Étant enceinte de 5 mois j’ai dû prendre la dur décision de faire une IMG suite à de grave malformation cardiaque et au niveau des membres supérieur.

    Voilà maintenant 4 jours que j’ai dit adieu à mon fils Nahel né le 18 juillet 2019 à 17h48 et qui c’est envolé quelque minute plus tard. Je me reconnais dans chaque phrase que tu écris chaque mots chaque syllabe et je ne peut m’empêcher de pleurer en te lisant et de me ramener à mon propre chagrin. Mais cela me redonne aussi la force et le courage d’affronter tout sa merci de me redonner l’espoir qui me manque cruellement. Je ne suis qu’au début de ce long combat d’essayer de vivre sans sont enfant sans notre chair. Je sais que j’y arriverais en voyant des témoignages comme le tien. Bien à toi Allison

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