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Me plaire ou leur plaire?

Cet article fait suite à celui de Die Franzoesin (que je remercie d’avoir, encore une fois, abordé une question à priori simple de façon très nuancée), qui pose très justement une question en filigrane (même si ce n’est qu’un point parmi d’autres des aspects évoqués dans l’article): est-ce qu’être coquette et prendre soin de soi, c’est être, quelque part, assujettie au regard des autres, au désir de l’autre, – et donc « anti-féministe ».

Il est vrai que, ces derniers temps, je me suis parfois demandé s’il ne fallait pas me laisser pousser les poils sous les bras pour revendiquer mon féminisme. Ne prenez pas cette remarque de façon trop caricaturale, je cite l’exemple des poils sous les bras à cause du dernier clip d’Angèle. Je pourrais tout aussi bien vous parler des cheveux blancs: si on assiste à un réel « empowerment » des femmes sur leurs premiers cheveux grisonnants, je ne vous cache pas que je n’assume pas les miens.

Mais suis-je pour autant assujettie à une norme, celle de l’éternelle jeunesse et du regard de l’autre?

C’est vrai, ça: à quoi bon s’acharner à retirer des poils qui repousseront, quoi qu’il advienne? A camoufler les premier signe d’un âge qui ne fera qu’avancer (j’allais écrire: qui ne fera que continuer ses ravages, mais je me suis dit que ce serait sans doute beaucoup trop mélodramatique – d’autant que, paradoxalement, vieillir ne me fait pas peur, bien au contraire) (parce que si on vieillit, c’est qu’on est encore en vie, et ça: c’est quand même super cool).

Oui, on pourrait décider de faire fi de tout ça, de jeter aux orties nos crèmes et nos rasoirs, tout comme d’autres femmes, en leur temps, ont refusé les corsets et coupé leurs cheveux. Je pourrais poster sur Instagram des selfies pas maquillée, ne plus me raser les jambes toutes les semaines sous la douche, espacer mes visites chez le coiffeur. Et c’est vrai que je trouve que le « body positivisme » véhiculé grâce aux réseaux sociaux a eu de nombreux effets extrêmement bénéfiques. Je vous invite d’ailleurs, pour les abonné(e)s, à lire cet article du Monde, sur le virage opéré par l’industrie de la lingerie à cet égard: les corps sont enfin montré dans toute leur diversité, y compris au sein d’un secteur qui n’a longtemps misé que sur l’inaccessible. Et donc oui, ces derniers temps, il est bien vu de s’en foutre. Mieux: de le revendiquer.

Le problème, c’est que moi, je ne m’en fous pas. Mais alors: pas du tout.

J’ai pourtant essayé: de me passer de fond de teint, certains matins. De ne pas teindre mes cheveux, de laisser la nature reprendre ses droits. Le problème, c’est que le concept de « beauté naturelle » ne me correspond pas des masses. Entendons-nous bien: je me trouve plutôt jolie, même avec quelques kilos en trop. Sans anti-cernes et un minimum de mascara, en revanche, je suis bonne pour postuler dans le prochain film de zombies du moment.

« Ca va Urbanie? T’es malade??? T’as une petite mine, on peut faire quelque chose? ».

Nan, je suis pas malade, je suis naturelle connard.

Plaisanterie à part, je me suis souvent demandé pourquoi: c’est vrai, ça, quel est le sens à passer 30mn chaque matin dans la salle de bain pour tenter de dompter un épi rebelle ou un teint livide de ne pas avoir assez dormi? Quel est le sens, surtout, de devoir recommencer ce même scenario tous les putains de matins?

Plus jeune, je plaisais. Un peu trop à mon gout même: je ne compte plus le nombre de mains baladeuses, de drague hyper lourde. On m’a fait chier pendant mes trajets en métro, on m’a sifflée, on m’a suivie dans la rue (#flippant) (je vous parle d’une époque que le hashtag #metoo ne connait que trop bien). Ne plus subir tout cela me va parfaitement, maintenant que je ne suis plus aussi « fraiche », avec mes 35 ans, et mon allure qui signifie clairement « n’essaie même pas » pendant mes trajets du matin: je ne suis pas en demande de ce regard là.

Alors, à quoi bon tout ce cirque? Si ce n’est pas pour plaire aux hommes? Les 100 balles chez le coiffeur tous les deux mois, les manucures au salon du coin, la trousse de maquillage qui déborde?

Je crois que la vérité, c’est que j’ai surtout envie de me plaire à moi. Et à Jean-Mi, bien évidemment, dans une certaine mesure (j’ouvre la question: peut-on s’aimer sans se plaire? Quelqu’un pour y répondre dans un prochain article? Des volontaires? 🙂 ). Il m’aura fallu pas mal de temps pour comprendre tout ça: à qui ai-je envie de plaire? Si ce n’est pas à eux, c’est que c’est donc à moi (c’est beau, on dirait une citation de tragédie grecque).

Et si avoir des poils de cul blancs qui se hérissent sur le sommet de mon crâne me dérange, alors soit. My coiffeur is rich, comme dirait l’autre.

N’empêche, je ne suis pas complètement hermétique à tout ça, et je pense continuer à essayer, de temps à autres, de m’en foutre un peu plus. Ou du moins, de faire cet effort du « moins », du lâcher prise. Le plus compliqué, en fait, ce n’est pas de reposer mon tube de fond de teint, ni mon fer à lisser: c’est surtout de réapprivoiser mon regard sur moi. Pour me plaire un peu plus comme ça, même si ce n’est pas vraiment gagné.

 

Et vous, vous en êtes où avec votre image?

Cet article a 9 commentaires

  1. Tout ce que tu dis me parle tellement ! Accepter et s’aimer comme avant alors que les années, la maternité et la fatigue parentale ont obscurci nos traits et notre corps : plus qu’un programme, c’est une mission. Alors si le crayon anti-cernes et les colorations capillaires permettent d’alléger cette pression, je plussoie à 100%.

    1. Urbanie

      Hahahaha, j’adore le terme de « mission »! C’est vrai que c’était le branle bas de combat dans la salle de bain dans les mois qui ont suivi la naissance de Kate ^^.

  2. Flora

    Et si te plaire était aussi indirectement leur plaire ? Pas pour faire un sujet de philo, mais dans les faits ton propre goût c’est aussi de l’acquis… donc indirectement le goût dominant dans la société non ?
    Je mentirai si je disais que je trouve mes cernes sexy, mais je m’efforce à ne pas les considérer comme disgracieux… Oui je suis fatiguée et ça se voit, quoi de plus normal ?! Je crois en fait que j’ai décidé de m’octroyer le droit à l’imperfection, celui là même dont jouissent les hommes sans même s’en rendre compte.
    Et au final, je trouve que passer mes 30 min à dormir pour améliorer mon état général est plus efficace que de les passer à soigner l’emballage.

    1. Urbanie

      Hélas, le sommeil chez moi ne suffit pas! Même avec 8h de sommeil, j’ai l’air claquée. Mais j’applaudis ta façon de voir les choses!

  3. J’ai la chance d’avoir un mari qui ne me mets pas la pression sur le physique.
    J’assume par choix mes cheveux blancs – pour le moment. Je me maquille très peu car ça me saoule, tout simplement. Côté vestimentaire, je fais dans le simple et le pratique. Je me rends compte que j’ai une collection de jolis hauts et de robe sympas à mettre, mais je mets toujours les deux même jeans et les mêmes T-shirts noirs. Par contre, je prends soin de ma peau, de mes cheveux, et de mon corps.
    Est-on toujours à l’abri de la pression des autres ? Nous sommes faits pour vivre en société. C’est sur que si j’ai un gros bouton plein de pus sur le pif, je serai moins à l’aise pour regarder qq1 en face que si j’ai la peau nette. Mais même vivant seule cloîtrée chez moi, je n’aimerais pas me voir avec un gros bouton. Au-delà du regard que les autres portent sur moi, il y a comment je me perçois, et la vision de moi que je veux donner au autres. Je pense que c’est plus cet aspect (de moi vers eux) qui compte pour moi : ce que je leur renvoie. Je crois que c’est important déjà de s’aimer, pour être capable de s’affranchir du regard des autres.

    1. Urbanie

      J’aime beaucoup ta dernière phrase, cela définit exactement ce que je ressens. 🙂

  4. Laurène Viard

    J’ai envie de dire que cela dépend aussi de notre personnalité, de notre histoire et de notre vécu personnels… les femmes autour de moi ne se maquillent pas, ou uniquement pour les grandes occasions. On m’a appris à choisir des vêtements pour leur durée dans le temps, leur praticité, et les assortiments de couleurs pour ne pas avoir à cumuler les vêtements. je continue aujourd’hui à appliquer ces principes.
    Je n’ai pas attendu que le naturel devienne une mode : je ne me suis jamais maquillée pour sortir de chez moi, sauf occasions particulières. Je rase mes aisselles et mes demies jambes régulièrement car je n’aime pas l’effet de mes poils noirs sur ma peau très blanche mais je n’ai jamais touché à mon maillot par exemple !
    Et je ne me suis jamais posé plus de questions que ça sur ces habitudes. Mon mari m’a acceptée comme ça, personne ne me fait de remarques au boulot ou ailleurs (d’ailleurs, franchement mais quel manque de respect de dire à une personne qu’elle a des cernes ou qu’elle fait fatiguée ! Mais quelle idée? ).
    Donc oui, être à l’aise avec les autres je crois, c’est aussi faire la paix avec soi-même, avec la façon dont on s’est construit et avec ce que l’on a appris des autres, même si ça ne correspond pas aux pressions médiatiques ou sociétales.

    1. Urbanie

      Je crois que c’est parce que j’ai vraiment l’air malade et épuisée que l’on me fait ces remarques (j’ai des cernes très foncés naturellement, 8h de sommeil n’y changeraient rien). Merci pour ton commentaire, c’est toujours enrichissant de lire les témoignages des autres. 🙂

  5. Avant d’avoir des enfants, je me maquillais les yeux et j’adorais le vernis à ongles… Et puis, j’ai arrêté le vernis pendant la grossesse et l’allaitement… et finalement, je n’ai jamais recommencé à en mettre par manque de temps. Je ne me maquille plus du tout sauf très grandes occasions. De toute façon, je n’aime pas la mode actuelle pour le maquillage (gros sourcils très dessinés et ongles proéminents en gel). Pour l’épilation, j’ai commencé tôt et mes poils ont perdu le combat sur les jambes, alors j’épile les aisselles une fois par mois et ça suffit.
    Je ne sais pas si je suis à l’aise avec mon image car je pense que ma perception de mon poids est mon problème principal. Mais ce n’est pas nouveau !

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