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Crédit photo: photo personnelle (Jean-Mi et Kate, cet été, sur une plage)

De l’amour

On me demande souvent comment je fais pour ne pas sombrer. On me dit souvent aussi que je « suis forte », ou que j’impressionne par ma capacité à relativiser et prendre de la distance par rapport aux événements. En vrai, je n’ai pas l’impression d’avoir le choix, ni d’être si forte que ça.

Pour moi, être courageux, c’est sauter à pieds joint dans une situation que l’on sait périlleuse. Nous, nous sommes carrément au pied du mur. Pour moi, ce n’est donc pas du courage… plutôt une apnée le temps de sortir la tête de l’eau.

Cela dit, je m’accroche malgré tout à quelques branches, qui, si elles ne protègent pas contre les intempéries, me permettent au moins de ne pas totalement dériver (tu noteras les métaphores filées de cette introduction) (j’ai fait bac L tu sais?).

L’amour de mes proches

L’amour qu’ils me portent, l’amour que je leur donne. Avoir mon mari et Kate a la maison change radicalement la façon de vivre certains événements. Avec Jean-Mi, je ne me sens pas seule. Avec Kate, je ne peux tout simplement pas me laisser aller. Je lui dois de tenter de garder le cap, coute que coute. Elle est notre bouée, littéralement. Alors bien sur, le risque serait de l’étouffer sous un poids beaucoup trop lourd à porter pour ses frêles épaules. Donc on essaie juste d’être présents pour elle. De lui expliquer avec des mots très simples quand elle nous sent tristes. De ne pas pleurer devant elle, quitte à se poser dans un café après les consultations à l’hôpital pour décompresser avant de la retrouver.

 

La bienveillance

J’en avais déjà parlé dans cet article, mais je pense sincèrement que, même si la colère est parfois nécessaire pour se motiver à aller de l’avant, et même s’il ne faut pas lutter contre ce que l’on ressent, il est impératif de veiller à ne pas se noyer dedans.

Oui, nous pourrions en vouloir aux médecins qui n’ont pas vu, qui nous ont donné leur feu vert pour refaire des bébés. Parce que voilà, la cause est génétique et héréditaire (contrairement à ce qu’on nous avait annoncé), nous en sommes maintenant quasiment certains. Mais je n’arrive à en vouloir à personne (mon côté bonne poire, sans doute).

Les médecins font ce qu’ils peuvent, compte tenu des avancées scientifiques. Il y’a des choses qu’on ne sait pas expliquer en 2018.  Et d’autres qui nous permettent justement de dépister les anomalies avant la naissance (je n’ose imaginer notre situation, si nous étions nés il y’a 50 ans…). Donc voilà: notre situation n’est pas parfaite, certes. Mais elle n’est de la faute de personne.

 

Repenser sa chance

Et puis, je pense aussi que tenter de voir le verre à moitié plein, c’est déjà avoir fait un grand pas en avant. Je l’avais déjà dit, je ne me sens pas « malchanceuse », pas fondamentalement. Oui, bien sur, nous n’avons pas été épargnés: dans le cas d’une maladie génétique, il a déjà fallu que nous soyons tous les deux porteurs sains, sans le savoir. D’un truc très rare, en plus. Ce qui nous faisait déjà de base 1 chance sur 4 de donner naissance à un bébé malade à chaque grossesse.

Ensuite, il a aussi fallu que sur 3 bébés, 2 fassent partie des 25% qui déclarent la maladie. On aurait pu tout aussi bien avoir 3 enfants en parfaite santé. Donc oui, statistiquement, nous n’avons pas de bol. Indéniablement.

Et en même temps… j’ai trouvé l’homme de ma vie. Nous sommes heureux ensemble depuis 15 ans. J’ai eu une enfant merveilleuse avec lui, aujourd’hui en parfaite santé. J’ai découvert l’amour maternel avec ma première fille, même si elle n’a pas pu vivre.  Je suis suivie par les meilleurs médecins. Je vis avec deux gros matous qui font caca sur la moquette qui nous comblent de câlins. Donc non, je ne me sens pas malchanceuse. Même en me forçant, je n’y parviens pas.

 

Je ne me fais pas d’illusion cependant: je sais que la route sera, à nouveau, longue et chaotique. Je sais que j’aurais l’impression d’étouffer sous le chagrin parfois. Je sais aussi que nous arriverons à garder la tête haute et à surmonter cette nouvelle terrible épreuve.

Je suis presque plus inquiète pour l’ « après »: devons-nous garder espoir pour un bébé, un jour? Devons- nous abandonner? Ce que je lis sur le sujet me fait parfois froid dans le dos… les diagnostics pré-implantatoires. Les délais d’attente. Les traitements qui feront, encore, souffrir mon corps.

Il nous faudra de toutes façons beaucoup de temps: pour digérer, pour réaliser les examens génétiques nécessaires. Un pas après l’autre, c’est le meilleur conseil que l’on m’ait donné au sujet de la maternité. Et c’est sans doute le seul qui vaille dans notre cas.

Crédit photo: photo perso de Jean-Mi et Kate, prise sur une plage cet été…

Cet article a 7 commentaires

  1. Emilie

    L’amour est vraiment le sentiment le plus puissant qui nous porte dans les plus noirs moments de la vie.

  2. Camomille

    Je partage ton ressenti. Kate va être ton moteur, ta bouée et Jean-Mi ton nord. Et heureusement que tu n’es pas seule pour affronter ton tsunami ! Je pense fort à vous.

  3. Virg

    Je pense que l’important est l’amour et la bienveillance envers soi-même et ses proches, c’est-à-dire ne pas tomber dans la culpabilité qui détruit tout. Ta vision des choses, dont tu disais que beaucoup se moquaient ou la décriaient dans un précédent article, va finalement te « sauver ». C’est tellement vital de ne pas être seul et indulgent. Maintenant, j’imagine que le chagrin est super dur à porter… maintenant que je suis maman, tes articles me touchent encore plus et sont parfois difficiles à lire. Mais je continue à te suivre, depuis le temps que je te lis, je souhaite vraiment te voir écrire un « happy end ».

  4. Que te dire, un an après?
    Quelle belle saloperie la vie, parfois.
    Et quelle vallée de roses en même temps.
    2018 est finie et je te souhaite une année 2019 pleine de ce que tu désires. Prends soin de toi.

    1. Urbanie

      Merci beaucoup, ça me touche énormément. <3

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