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Le Tabou

Cela fait quelques semaines que j’essaie de vous écrire mais que je ne sais jamais par ou commencer. La page blanche? Oui, même les blogueuses passent par là.

Des semaines que je lis mes blogs préférés, à me demander sans cesse « mais comment font-elles pour trouver des sujets tous les jours? ». Avec cette impression de me tarir, de ne plus rien avoir à vous raconter.

 

Et puis la vérité, c’est que j’ai fini par comprendre que je n’étais pas en panne d’inspiration. En fait j’ai plein de choses à vous raconter. Mais ces choses, je m’interdis de vous les dire. A chaque fois que je sentais la tristesse/ la colère/ l’amertume remonter en moi, je me disais « non, parle d’autre chose ».

Et donc ça a fini par former un espèce de gloubi boula, une sorte de magma, une mélasse qui est venue « boucher » (pardonnez moi le terme, c’est celui qui représente le mieux ce que j’essaie de vous expliquer) ma capacité (d’ordinaire assez élevée) à vous raconter tout et rien.

 

Et je sens que c’est cathartique: si je ne vous en parle pas, je ne pourrai pas vous parler du reste. Ca restera « là », et je crois que j’ai besoin de m’autoriser à reprendre la parole sur ce qui m’est arrivé, besoin de reprendre une forme de pouvoir aussi. Besoin de sortir de cette posture de victime. Et de cette honte. Oui, parce que quand on est victime, on est forcément coupable aux yeux des autres, mais ça je vous en reparlerai bientôt.

 

Voilà, donc j’ai été harcelée moralement à mon retour de congé maternité. Arrêt maladie, intimidations, avocate, la totale.

 

Et vous voyez, juste de vous dire ça, je sens que quelque chose se débloque un peu.

Je me permets de vous en parler parce qu’aujourd’hui je ne suis plus en danger: je suis partie (comme tous les harcelés), je me suis mise à l’abri. J’ai toutefois refusé les compromis qui m’auraient vue me jeter sur un poste « moins disant », j’en ai pris un nouveau avec des « responsabilités » comme on dit. Mon management est à l’écoute à tous les stades de la hiérarchie (j’ai vérifié, chat échaudé…), mes collègues sont des Bisounours en puissance. Je redécouvre le sens du mot « bienveillance » dans un environnement de travail sain.

 

Et pourquoi appeler cet article « le tabou »? C’est vrai ça, j’aurais pu lui donner tout un tas d’autres noms. J’aurais pu l’appeler « la bienveillance » (parce que c’est ce qui m’a cruellement fait défaut ces derniers mois), « la fuite », « la révélation » si j’avais eu des envies de titre pseudo-lyrique, ou que sais-je d’autre encore.

 

« Le tabou », eh bien parce qu’en discutant de ma « situation » avec d’autres jeunes mamans, je me suis rendue compte que beaucoup trop d’autres femmes avaient du en passer par là aussi. Mais que, encore une fois, aucune n’osait vraiment prendre la parole à ce sujet.

 

C’est fou comme dés que l’on touche aux sacro saintes valeurs du travail, dés que l’on se fait maltraiter/ menacer/ harceler (ne rayez pas la mention inutile), alors il faut se taire sous peine d’être perçue comme un « faible », comme celui ou celle qui n’a pas su se défendre. Mais comment voulez-vous vous défendre à armes égales quand votre harceleur est votre patron? La force, ce ne serait pas de s’en prendre à ses pairs plutôt qu’à ses subordonnés? Nous avons un vrai talent pour retourner les situations au détriment des victimes, et pas que dans les cas de harcèlement au travail, entendons-nous bien.

Donc se faire harceler à son retour de congé maternité (même si je ne sais pas si les deux sont liés, je suis peut être aussi juste tombée sur un barge, mais je n’ai pas vraiment eu envie de trainer pour psychanalyser le personnage), et bien c’est tabou. Se faire harceler au travail tout court, d’ailleurs. Pourquoi? Sans doute parce que personne ne sait vraiment ce qu’est le harcèlement moral: moi même, j’ai longtemps pensé qu’une personne harcelée « se voyait » de loin, qu’elle l’avait peut être sans doute un peu « mérité », qu’elle ne savait simplement pas se défendre. Comme beaucoup de monde, en fait, et c’est e regard que nous portons sur les victimes de violence au travail qui les pousse à se taire.

 

Bref, un billet un peu décousu pour vous dire que j’ai décidé de faire « sauter le bouchon », que j’ai décidé de reprendre la parole.

Donc ce blog de jeune-femme-active-maman-passée-par-le-deuil -périnatal va s’enrichir d’une nouvelle case: celle du harcèlement moral, dont je vous reparlerai (pas tout le temps, hein, j’ai aussi envie de vous reparler de choses plus joyeuses) pour vous guider, vous donner des conseils, des pistes de réflexion aussi. Parce que le concept de ce blog n’est pas de me plaindre, c’est aussi d’essayer de partager, de consoler, d’écouter, de positiver. Bref, ce blog restera un havre de bienveillance, quelle que soit la difficulté du sujet abordé.

Des fois je me dis que j’aurais du être blogueuse beauté, j’aurais eu vachement moins de sujets complexes à aborder. :p

 

Cet article a 29 commentaires

  1. Virg

    Je connais bien le harcèlement moral, je l’ai constaté/vu/vécu au quotidien dans le couple de mes parents. C’est insidieux et vicieux, il se dit sans se dire, se vit sans se dire. Généralement, c’est un « bouchon trop loin » qui fait sauter la marmite de la victime. Dans le cas que je connais, le couple s’est reconstruit mais, dans le cadre du travail, je ne vois pas bien comment reconstruire une relation avec un patron. D’ailleurs, quel en serait l’intérêt ?
    Sincèrement, je compatis. Non, tu n’es pas faible ; oui, tu es une victime. Savoir le dire haut et fort est déjà très bien. Se mettre en colère comme dans ton article est très salvateur 🙂
    Décidément, la vie ne t’épargne pas, le défi est de continuer sans trop se faire égratigner.
    Hâte de te relire à nouveau et bon courage pour en sortir définitivement. Je te souhaite d’arriver un jour à en parler sans colère, sans culpabilité, juste en parler comme une épreuve que tu auras vécue et surmontée.
    Bonne chance Urbanie.

    1. Urbanie

      Un couple qui se reconstruit après du harcèlement? Ca m’intrigue du coup, mais c’est une belle surprise! 🙂

      1. Virg

        Disons qu’il s’en est pris à la seule chose que ma mère n’aurait jamais toléré : nous, les enfants 😉 ça c’est « le bouchon ». Après, hum entre disputes, explications et mises au point, mon père s’est aperçu qu’il était passé près de la perdre. Et voilà comment un couple se reconstruit : dans la recette, il faut deux personnes attachées l’une à l’autre quand même et que les deux finissent par prendre conscience qu’ils restent chacun un électron libre avec ses limites, que l’autre doit donc respecter.
        Pour la victime, c’est salvateur, voire libérateur. Puisqu’une fois que tu as dit « non », les autres « non » viennent beaucoup plus facilement, d’autant que nous restons derrière elle. Pour le harceleur, ça peut aussi être libérateur, non mon père n’était pas marié à une femme faible ou je ne sais quoi, c’est une vraie femme qui sait taper du poing sur la table. C’est compliqué cette relation victime/harceleur, chacun dépend beaucoup de l’autre et se fait une image fausse de l’autre.
        J’ai lu un bouquin sur le harcèlement moral au travail, il était très bien écrit et cela décrivait très bien la relation de mes parents à ce moment-là. Le côté pression hiérarchique se manifeste simplement par une autre forme de pression, quelle qu’elle soit.

        1. Virg

          En tout cas, je te souhaite d’en sortir comme ma mère, c’est-à-dire plus forte encore.

  2. Quatre enfants

    Merci de nous livrer ça, il faut le dire, il faut le raconter et le répéter… et heureusement que tu n’es pas blogueuse beauté, il y en a suffisamment 😉

    1. Urbanie

      Oui c’est vrai aussi (et puis je serais très mauvaise vu que je déteste me prendre en photo 😀 )

  3. Lys le Yéti

    C’est pas toujours facile de parler de sujets difficiles et personnels et encore moins quand c’est lié au travail. Mais c’est bien que tu le fasses si tu en ressens le besoin et surtout parce que le harcèlement au travail doit être dénoncé. Donc si tu en parles, je le lirais avec plaisir !

    1. Urbanie

      merci <3

  4. Enna

    Bravo! Bravo d’en parler, pour toi et pour les autres!

  5. Lunaly

    Ton article m’interpelle car j’ai remarqué que l’harcèlement au travail envers les femmes enceintes ou jeunes mamans est un tabou qui est de plus en plus aborder dans les blogs et médias en général (La maison des Maternelles en a parler il y a quelques semaines ). Pour ton cas, tu es malheureusement une victime. J’ai eu quelques soucis avec mon ancien employeur durant ma grossesse et franchement c’est horrible à supporter. Heureusement que tu as pu changer et que désormais tu sois avec des personnes bienveillantes. Je pense qu’il faut que ce sujet soit aborder par des blogs comme le tien ainsi que par les médias afin d’attirer l’attention sur ce que peut endurer beaucoup de femmes et de faire changer les mentalités machistes que prône notre société. Donc un grand merci pour cet article et vivement les prochains articles. Je te souhaite de bonnes fêtes de fin d’année ^^

    1. Urbanie

      Les langues se délient, mais de façon très prudente. C’est compliqué d’en parler pour tout un tas de raisons que j’aborderai dans un prochain article.
      Très bonnes fêtes de fin d’année à toi aussi! 🙂

      1. Lunaly

        Effectivement c’est un sujet qui est délicat à parler car certaines structures mettent une sacrée pression pour que ce genre d’affaires ne s’ébruitent pas et je trouve ça fort regrettable. Quand je pense que ces managers/ équipes seront bien contents d’avoir une retraite qui sera payé par la génération de nos enfants ils devraient avoir plus de respect mais c’est pas encore le cas. J’ai hâte de lire tes futurs articles. Encore bonnes fêtes à toi et ta famille

  6. Flora

    Le tabou c’est mauvais pour l’inspiration ; ) Dans un autre registre j’ai remarqué que garder le secret d’une jeune grossesse a le même effet chez les blogueuses…
    Je suis désolée pour ce que tu as dû traverser, c’est super que tu aies réussi à en sortir et que ton nouveau boulot soit chouette.
    Je ne connais pas du tout le harcèlement moral c’est vrai et j’ai déjà classé des gens comme ne sachant pas se défendre. Tes conseils et pistes de réflexion seront les bienvenus.
    J’espère que la nouvelle année sera plus sereine pour toi ! Bonnes fêtes

    1. Urbanie

      Les tabous et les non dits peuvent en effet bloquer beaucoup de choses…
      Bonnes fêtes à toi aussi! 🙂

  7. Claire

    Et bah dit donc, tu n’es vraiment pas gâté !
    Il est vrai que le harcèlement au travail est un sujet tabou, et c’est très bien d’en parler, je t’en remercie.
    J’espère que tu t’épanouira dans ton nouveau travail (mais vu ce que tu décrit, y a pas de raison).

    1. Urbanie

      En fait ça va, tout n’est pas si noir. Ce qui m’est arrivé est en réalité relativement fréquent, donc je ne suis pas forcément plus « poissarde » que quelqu’un d’autre sur ce sujet. Et puis je m’en sors plutôt bien, certains cas peuvent très (très) mal se terminer…

  8. Rozie & Colibri

    Le harcèlement, j’ai connu ça au sein de mon couple. Violence psychologique conjugale.
    Et oui, c’est « Le tabou ».
    Par contre, je n’ai jamais pensé que les victimes ne savaient pas « juste » se défendre.
    Tu as raison de briser le tabou ! Je te félicite, ça va beaucoup t’aider !
    Bonne continuation :).

    1. Urbanie

      Merci Rozie 🙂

  9. Melle Fluffy

    J’ai également connu une situation de harcèlement au travail (au cours d’un stage). J’ai mis beaucoup de temps à m’en remettre (ma confiance en moi était tombée à -10). Je te souhaite donc beaucoup bien pour les moments à venir.
    Ma seule crainte : revivre cette situation dans une entreprise … Heureusement à l’époque, j’ai eu le soutien de mon chéri et de mes parents (parce que mes collègues fermaient clairement les yeux …).
    Bonnes fêtes de fin d’année Urbanie ! Ne t’oblige pas à parler de ce dont tu n’as pas envie, il faut savoir prendre du temps pour soi. 🙂 Tes lectrices sauront attendre.

    1. Urbanie

      Bonjour Melle Fluffy,

      Je vais consacrer un article entier à l’entourage professionnel justement, c’est un sujet qui mérite d’être développé parce qu’il y’a beaucoup de choses à en dire.

      Très belles fêtes de fin d’année à toi aussi. 🙂

  10. tania

    contente que tu ai retrouvé un meilleur environnement
    le monde du travail est impitoyable c est ce que je disais dans un article du blog

    je dis souvent que je pourrai écrire un roman dessus

  11. Fleur

    C’est courageux à toi d’oser en parler alors que jusqu’à présent tu avais tu cela. Personnellement, j’ai pris conscience du peu que je savais sur le harcèlement il y a quelques années en lisant un roman de Delphine de Vigan (« Les heures souterraines » de mémoire) alors que je travaille pourtant en RH. Depuis, j’ai demandé et réalisé une formation sur le harcèlement, afin d’être capable de le détecter plus facilement. Je lirai tes articles sur le sujet avec beaucoup d’intérêt et de bienveillance 🙂

  12. Ludivine

    C’est très courageux d’en parler et de te livrer. Je ne suis pas concernée par ce sujet mais quand je vois l’impact positif sur moi-même en lisant les articles sur le deuil périnatal (je t’avais écrit un mail cet été à propos de la perte de mon fils), je me dis que ton écrit sera forcément aidant pour celles qui sont dans une telle situation. Et si cela te fait du bien , c’est encore mieux. Je crois que cette fameuse bienveillance est ce qui me plaît le plus dans ce blog. Je te souhaite sincèrement beaucoup d’épanouissement dans ce nouveau travail.

  13. Ars Maëlle

    Finalement, on voit bien qu’il y a un problème de communication autour de la violence, quand on constate à quel point sont répandues les idées du genre « il l’a peut-être un peu mérité », « mais pourquoi elle n’est pas partie avant ? », et le bon vieux « moi je ne me serais jamais laissé faire ». J’ai découvert, avec une proche victime d’un manipulateur narcissique, les mécanismes de la violence psychique insidieuse, où l’emprise est liée à l’amour (ou ce qu’on croit être de l’amour). Au travail, l’emprise est explicite dans le rapport hiérarchique, mais le résultat est le même : comment voir que la limite est dépassée, et comment faire pour mettre un terme à la situation ?
    Je suivrai avec attention tes billets sur le sujet, car les dérives du monde du travail sont une vraie préoccupation pour moi. Et je serai très heureuse si en faisant sauter ce verrou d’autocensure, tu nous offres aussi de nouveaux articles plus souvent 🙂 Joyeuses fêtes

  14. sophie mum

    tu as du passé de sale moment brave d’en avoir parlé et contente que tu ai trouvé un meilleur job dans une bonne ambiance

  15. Eva

    Bravo pour briser le silence et parler du harcèlement moral au travail. et je suis contente que tu aies réussi à t’en sortir et en plus pour un poste à responsabilités et dans un meilleur environnement.
    Je lirai tes futurs articles avec beaucoup d’intérêt, il est nécessaire de s’informer afin de détecter les premiers signes – que l’on soit celui qui subit le harcèlement ou qui voit le harcèlement dans son entourage professionnel…
    A noter que le harcèlement ne vient pas forcément des supérieurs hiérarchiques, mais aussi des collègues voire même des subordonnés…

    1. Urbanie

      Oui, complètement!
      Merci pour tes encouragements! 🙂

  16. Madame Lavande

    C’est vraiment navrant que ce genre de comportement soit encore si courant ! Bravo d’avoir eu le courage de claquer la porte et de briser ce tabou. Je pense que beaucoup de jeunes mamans doivent être confrontées à cela sans savoir comment réagir, j’espère que ton témoignage pourra les aider !

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