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Imagine

J’ai donc été très absente ces derniers temps, vous l’aurez remarqué: je traverse ce que j’appellerais une « petite tempête personnelle » (pour rester politiquement correcte).

Je ne rentrerai pas dans le détail du pourquoi, de l’origine de la tempête, parce que cela doit rester privé et confidentiel. En revanche, quelques jours après le début des problèmes, mon vieux pote Murphy (celui qui aime bien enchainer les emmerdes) est venu me rendre une petite visite sous la forme d’un coup de téléphone parfaitement inattendu.

 

 

J’étais chez moi, terrée sous ma couette, et j’entends mon portable se mettre à vibrer. Je décroche: je tombe sur l’obstétricienne qui m’a suivie pour ma première grossesse. Deux ans après le décès de ma première fille, ils viennent enfin de recevoir les derniers résultats. Le rapport d’autopsie est arrivé.

J’entends sa voix un peu timide, elle qui est une femme d’une très grande assurance, je l’entends s’excuser des délais interminables, me dire combien elle a insisté pour récupérer ce fameux rapport au bout de tout ce temps passé. Et puis j’entends sa voix hésitante, qui se traine, qui ralentit aux tournures de phrases pour trouver le bon mot, pour ne pas me heurter, pour me dire ce que je soupçonne déjà: ce n’est pas bon, il faut revenir. Il semblerait qu’il y’ait une cause génétique.

Alors on ne va pas rentrer dans un débat sur le délai que nous avons du attendre pour recevoir ce fameux rapport: oui, c’est anormalement long, mais il y’a eu une série de couacs, une série de pas de bol, bref: une série de trucs qui s’enchainent et qui font que. Je vous avais prévenus dans un vieil article: je ne suis pas le genre de fille en colère par nature, donc je suis soulagée d’avoir enfin ces résultats. Tout simplement.

 

 

Mais que vous dire… moi qui suis si bavarde en temps normal, qui peut vous faire un article sur un rien, je ne trouve pas les mots justes. Parce qu’il faudrait vous décrire le coup de massue que représente cette nouvelle, vous parler de cette impression extrêmement désagréable de retourner 2 ans en arrière, à quelques jours seulement du deuxième anniversaire de la mort de notre fille. Vous raconter cette sensation très étrange, lorsque nous sommes retournés arpenter les couloirs de l’hôpital qui nous a reçu en urgence, de ne jamais avoir tout à fait quitté les lieux. Deux ans, et rien n’avait changé.

Nous avons rencontré la généticienne de l’hôpital, qui nous expliqué que ses compétences en la matière s’arrêtaient là, et que nous allions être réorientés vers Necker pour des examens plus avancés. Que ce qui avait été découvert relevait désormais de la Recherche. Nous avons également revu l’obstétricienne, dont le visage s’est illuminé lorsqu’elle a appris la naissance de Kate: oui, nous pouvons avoir un bébé en parfaite santé, ce qui dans notre cas représente une lueur d’espoir absolument incroyable.

Je vais vous dire: je suis presque soulagée de ne pas avoir reçu ces résultats plus tôt: parce qu’alors, la grossesse de Kate aurait été pire, moi qui ai déjà été tant malade, si angoissée. Aujourd’hui, quand je regarde Kate, je vois de l’amour, je vois de l’espoir, je vois que la vie peut être la plus forte.

 

 

Nous sommes donc allés à Necker, rencontrer une femme médecin rattachée à l’Institut Imagine: avant d’aller plus loin, je vais être sans doute énervante mais je vais insister sur la chance incroyable que nous avons eue.

Il se trouve qu’il y’a 2 ans, quand nous perdions notre première fille, et bien il y’a 2 ans étaient publiés les premiers travaux sur une pathologie génétique très rare. Celle-là même qui a été identifiée chez notre première fille. Coup de bol incroyable: ces travaux ont été menés par une médecin française, qui travaille à… Necker. A deux pas de chez nous.

Voilà, je ne dis pas que ce qui nous est arrivé est une « chance », je dis simplement que nous aurions pu ne jamais savoir. Nous aurions pu être orientés vers un service qui n’aurait eu connaissance de ces découvertes que de loin. Nous aurions pu attendre des années encore avant de savoir. Non: nous sommes tombés sur la bonne personne, pas loin de chez nous, au bon moment.

 

Nous venons donc d’entrer dans ce qu’on appelle pompeusement un « protocole de recherche »: en gros, nos gènes et ceux de notre première fille vont être analysés pour essayer de comprendre qu’il s’agit d’une mutation génétique héréditée, ou si c’est juste la faute à pas de bol. Cela ne ramènera pas notre première fille, cela n’effacera pas ce qui s’est passé, mais nos gènes feront désormais partie d’une étude qui pourra, peut-être un jour, permettre de trouver un remède, pour sauver d’autres bébés. Et nous pourrons aussi avoir des réponses, d’ici quelques semaines.

 

Je veux dire à tous les parents qui passent par là que je comprends l’angoisse, que je sais à quel point la vie peut être cruelle et injuste. Mais il existe heureusement des médecins, des chercheurs qui se battent pour tenter de trouver des réponses, pour essayer de prévenir ou de guérir ce qui aujourd’hui est encore une fatalité.

Je veux aussi dire à quel point l’état des locaux de l’hôpital Necker m’a fendu le coeur: vétustes, la peinture écaillée, le personnel épuisé. Alors que pourtant, tant d’enfants y viennent chaque jour pour se faire soigner.

 

Voilà, vous savez tout. Dans quelques semaines, nous pourrons définitivement « tourner la page » (enfin, vous me comprenez 😉 ). Dans quelques semaines, nous saurons si nous pourrons un jour refaire un bébé de façon sereine ou si nous devrons être suivi de très près dés les premiers moments. Nous attendons depuis si longtemps déjà que cette échéance ne m’obsède en aucun cas. Que sont donc quelques semaines après 2 ans d’attente?

Et puis nous avions décidé de toutes façons de faire une pause, je ne souhaite pas à tout prix avoir 5 enfants, ni des enfants d’âge rapproché. Je veux retrouver mon corps, une carrière, ma vie.

Donc nous attendons, encore. Une dernière fois j’espère.

Cet article a 20 commentaires

  1. Flora

    Foutu Murphy ! C’est une grande chance qu’ils aient pu isoler ça et vous transférer chez des professionnels susceptibles de tirer les choses au clair. J’admire ton sang froid et j’espère que vous pourrez concrétiser votre plan parental comme vous le voulez .

    1. Urbanie

      Moi et Murphy on est très copains en ce moment! 😀

  2. Eva

    c’est très important d’avoir des réponses à des questions obsédantes, et je suis contente que vous puissiez- enfin- en savoir plus.

    1. Urbanie

      Merci <3

  3. Pititefleur

    Je comprends que cela a dû remuer beaucoup de choses.
    L’important comme tu le dis si bien c’est que vous ayez une jolie petite fille malgré tout et que vous puissiez en savoir le maximum sur ce qui a été la cause de votre terrible perte.

    1. Urbanie

      Merci <3

  4. Virginie

    Je venais faire un tour sur ton blog, ne voyant plus d’article d’Urbanie sur DMT. Je m’inquiétais pour toi, il faut que tu saches que tes articles m’ont beaucoup aidée d’un point de vue pratique et émotionnel pour préparer mon propre projet parental.
    Et je tombe sur cet article.
    Je ne sais même pas quoi dire. Colère devant une injustice ? Soulagement de voir que tu vas enfin obtenir des réponses ? Tristesse devant ce deuil qui n’en finit pas ?
    En tout cas, c’est une super idée de parler des chercheurs et de leur travail. Cela ne me serait jamais venu à l’esprit que ce type d’autopsie puisse servir « pour de vrai ».
    Et je vous souhaite d’avoir la réponse que vous attendez au plus vite, l’attente peut être très lonnngue.
    Surtout, j’espère que c’est « faute à pas de chance » me disant que vous en avez assez vu.
    Longue vie à votre petite famille et j’espère plein de bonnes choses pour l’avenir.

    1. Urbanie

      ici, nous avons opté pour le soulagement, surtout après tout ce temps! Merci pour ton gentil commentaire! 🙂

  5. Julycocoon

    Sublime article… De tout cœur avec toi dans cette attente !

    1. Urbanie

      Merci <3

  6. Banane

    Je suppose que vous êtes allés dans la mauvaise aile de Necker.
    Notre fils y est suivi depuis 9 ans et maintenant on a le droit au bâtiment Laennec, tout neuf. Mais c’est vrai que certaines parties attendent encore d’être rénovées.
    Après ces considérations immobilières, je suis contente pour vous que ça avance. Et que vous ayez déjà décidé de prendre le temps avant qu’on vous impose d’attendre.

    1. Urbanie

      Oui c’est très possible… on est carrément entrés par une porte sans porte (c’est à dire que le chambranle de la porte était rempli par un bout de carton, voilà…). Mais on a en revanche aperçu au loin des bâtiments qui avaient l’air en bien meilleur état.

  7. Cricri2j

    Merci pour ton article. Nous avons rdv à Necker dans 1 mois avec une généticienne pour connaître également les résultats nous concernant. J espere que nous aurons de vraies réponses et j apprehende la piste génétique…
    Pour avoir été suivi à Necker pour le diagnostic et l img, je te rejoins sur le fait que certains bâtiments seraient à revoir. Le personnel en tout cas y est formidable.

    1. Urbanie

      Je me suis souvent demandé ce qui était le « mieux »: que cela soit génétique donc explicable, ou que cela soit juste la faute à pas de chance?
      Si les résultats devaient vous orienter vers une piste génétique, dis toi aussi que parfois, ce sont simplement les gènes qui se mélangent les crayons au moment de l’embryogenèse, donc… la faute à pas de chance. Je vous souhaite d’avoir des réponses dans tous les cas, parce que je crois que c’est encore ça le pire: ne pas avoir de réponse du tout.

  8. Chat-mille

    Je vous souhaite beaucoup de courage pour les prochaines échéances <3 Et un troisième bébé en pleine santé quand le corps, le travail et tout ça rouleront comme sur des roulettes !

  9. Swiiixou

    Bon, comme je lis en retard (mais dans l’ordre) je viens de commenter les articles précédents avant de découvrir celui-ci. Et, comme toi, je pousse un soupir où se mêlent dépit et tristesse mais aussi soulagement et espoir. Les chercheurs font un travail extraordinaire et difficile, je suis toujours admirative de ceux qui consacrent leurs journées à tâtonner, expérimenter, calculer, faire et refaire pour comprendre puis pour expliquer et soigner.

    1. Urbanie

      Oui, complètement! On ne pense pas assez au travail gigantesque qu’ils abattent en coulisses pour sauver et soigner les patients!

  10. Majolie

    Je fais malheureusement partie de ces fameux 1%… J’ai perdu mon fils Louis à 27 SA, mort in utero. J’ai accouché le 25 septembre.
    Je me sens perdue, seule car même si l’entourage est très présent, c’est très compliqué de leur parler de notre douleur, de la culpabilité, des choix que nous avons du faire etc. Après seulement une semaine, ils veulent déjà que je reprenne le dessus et que « j’arrête d’y penser ». Ils ont du mal a comprendre que je veux penser à mon fils, qu’il fait partie de notre famille.
    Je suis tombée sur votre blog, complètement par hasard et je dois vous dire MERCI! En lisant vos articles, ca m’a libéré d’un énorme poids. Je ne suis pas seule dans ce cas, je ne suis pas seule a ressentir cette douleur indicible et surtout toutes les questions que je me pose sont normales!Alors encore une fois du fond du coeur MERCI je sais maintenant que je peux avancer!
    Une maman qui aime aussi la vie!

    1. Urbanie

      Bonjour Majolie,
      Une semaine, c’est court… je peux te rassurer en te disant qu’il va sans doute te falloir un peu plus que ça pour avancer dans ton deuil, et que tu es tout à fait normale. Je ne sais pas si tu as la possibilité de parler à tes proches, pour essayer de leur expliquer pourquoi ton bébé n’était pas juste un bébé, mais ton fils Louis? Ils ont sans doute envie que tu « passes à autre chose » parce qu’ils veulent te voir retrouver le sourire, parce qu’ils t’aiment, mais chaque travail de deuil est différent et cela demande un peu de temps.
      Si tu ressens le besoin de discuter avec d’autres mamans qui passent par là, je t’invite à te rendre sur le forum d’associations, comme celle de Petite Emilie: ce sont des forums d’échange, d’écoute, sans jugement, où tu pourras discuter avec des femmes qui te comprennent.
      En attendant, je t’envoie tout mon soutien, et je te souhaite un chemin de deuil le plus doux possible. <3

  11. Je tombe sur ton article aujourd’hui, et j’imagine le « soulagement » que vous avez du ressentir… Le jour où on nous a annoncé le diagnostic de la maladie génétique de mon fils reste l’un des plus étranges de ma vie, un profond soulagement de savoir enfin, avant d’ensuite réaliser quelques jours plus tard et tout prendre dans la gueule. Mais face à l’incertitude de certains parents, je sais que malgré tout savoir fait beaucoup, même si ça ne change que peu le quotidien. Nous sommes suivis à l’Institut Imagine également, et même si ce n’est que de loin en loin je tiens à ce que mon fils puisse voir un spécialiste de son syndrome et que son « cas » soir pris en compte. Même si ce n’est pas dans un protocole de recherche précis, ça a son importance.

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