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Chère Nathalie Péchalat

Ma très chère Nathalie,

Tu ne m’en voudras pas si je te tutoie j’espère. C’est vrai qu’on ne se connait pas du tout, et pour être tout à fait franche avec toi, avant de te voir au bras de notre Artist national: je ne savais même pas qui tu étais.

Le patinage, tu sais, cela fait longtemps que je ne le regarde plus. Pourtant j’étais fascinée quand j’étais petite par toutes ces acrobaties virevoltantes: les costumes à paillettes qui scintillent de mille feux sous les projecteurs. Le joli maquillage des dames qui ressemblaient presque à des princesses des glaces dans leurs robettes aériennes comme de la plume. Et cette impression, surtout, de légèreté absolue que dégagaient les patineurs sur la piste. J’avoue, ça avait l’air cool, mais une ou deux gamelles à la patinoire municipale ont vite eu raison de ma vocation de patineuse. Je m’en suis tenue aux diffusions du dimanche après-midi sur FR3, et c’était chouette quand même.

Bref, donc je ne te connaissais pas. Mais voilà: à force de te voir dans la presse people, puis dans ma télé: tu as fini par devenir un peu connue, suffisamment en tout cas pour que je sache ton nom. Même s’il est vrai qu’ « être connu » ne veut plus forcément dire grand chose aujourd’hui : par exemple, je ne sais toujours pas qui est Shym (Shym. Chaim? Shaieum? Shaiiim? ), même si je la vois souvent en une de magazines racoleurs.  Je connais son nom. Mais je ne sais pas qui c’est. Ni ce que la demoiselle a fait pour être dans la presse people, à part oublier sa culotte ou son soutien gorge une fois sur deux.

Bref. Tu vois ce que je veux dire quoi.

J’ai donc très vaguement suivi les péripéties entre toi, Alizée, et Grégoire. J’ai maté un replay ou deux de Danse Avec Les Stars, histoire de me moquer un peu parce que je n’avais jamais regardé, et que je pensais que c’était une émission cheap un peu pourrie (mais en fait, pas du tout, et entre nous Nathalie: franchement, tu gères). Sur la piste en tout cas.

Parce que depuis que DALS est fini, c’est une autre histoire: tu parles. C’est bien, c’est tout à fait ton droit. La liberté d’expression, toussa.

J’ai juste tiqué sur un truc: c’est quand tu critiques ta « collègue » Tonya Kinzinger d’avoir parlé de sa fausse-couche sur le plateau télé. Même que tu enfonces le clou quand tu dis:

« Il y a des trucs qui me choquent : comment on peut parler de sa fausse couche à la télé un samedi soir ? Je ne comprends pas. Effec­ti­ve­ment ça peut être théra­peu­tique pour ces personnes de parler de leurs problèmes person­nels, et si ça peut leur faire du bien, tant mieux, moi j’ai pas du tout envie de ça. Je n’ai pas eu besoin d’al­ler au-delà de la danse, du pati­nage, donc je suis contente. »*

 

Aie Nathalie. Aie aie aie aie aie.

Je vais être hyper honnête avec toi: je me fiche pas mal de Tonya Kinzinger, je ne fais pas du tout partie de ses fans. Mais j’ai perdu mon bébé il y’a 6 mois, à un stade très avancé de la grossesse. Et quand j’entends dire des inepties pareil sur le deuil périnatal, ça me fout les boules Nathalie.

Parce que déjà, on va appeler un chat un chat: la « fausse-couche » dont tu parles, à ce stade-là de la grossesse: c’est soit une mort foetale in utero, soit une interruption médicale de grossesse. En gros, ton bébé est mort, et tu vas accoucher. On va commencer par ça, c’est la base. Et tu vois, de poser le vrai nom sur les choses, ça aide déjà pas mal à se mettre dans le contexte. Le traumatisme est déjà suffisamment grand pour ne pas essayer de le minimiser. Crois-moi, ça n’aide pas celles à qui c’est arrivé.

Ensuite, je comprends que tu puisses trouver cela indécent d’en parler à une heure de grande écoute. Dans cette même logique, tu ne dois pas totalement comprendre la démarche d’Ingrid Chauvin, qui a perdu sa fille il y’a quelques mois et qui en parle en ce moment avec beaucoup de pudeur dans la presse. Je peux comprendre qu’on ne comprenne pas. D’ailleurs, à moins d’être passée par là, je ne vois pas beaucoup de gens qui comprennent. Mais ce n’est pas grave.

Je veux juste t’expliquer pourquoi il est important, pour ne pas dire nécessaire, que des personnes qui bénéficient d’une couverture médiatique en parlent: parce que le deuil périnatal est quelque chose de terriblement tabou, Nathalie. Si tu savais à quel point nous ne pouvons pas en parler… Si tu savais à quel point les gens font semblant que cela ne nous est jamais arrivé. A quel point ta grossesse devient tout à coup le « sujet à éviter » dans les conversations. La facilité avec laquelle les gens arrivent à occulter cette partie de ta vie. Littéralement.

Je ne vais pas te faire un paragraphe sur celles et ceux qui, du jour au lendemain, font semblant de ne plus te voir dans les couloirs. Ni sur le fait que ta grossesse et ton enfant ne seront plus jamais abordés par l’entourage. C’est un peu le triangle des Bermudes, mais version grossesse: 6 mois de ma vie ont visiblement disparus dans l’esprit des gens. Et ça, je crois que c’est ce qu’il y’a de plus difficile à affronter aujourd’hui.

Tu vois, ma fille est inscrite comme mon premier enfant sur mon livret de famille. Mais, en dehors de quelques conversations avec mon mari ou de très rares proches, c’est tout simplement comme si elle n’avait jamais existé. Et ça, je crois que c’est encore la pire des souffrances.

Je comprends que tu condamnes le grand déballage de la vie privée des autres à une heure de grande écoute. Mais, parfois, ce grand déballage peut aider les anonymes à qui personne ne donnera la parole. C’est d’ailleurs aussi pour cela que moi, petite blogueuse perdue dans la masse d’internet, j’écris autant sur le sujet. Pour faire vivre ce qui m’est arrivé. Pour faire exister ma fille.

Alors peut-être que Tonya Kinzinger a été maladroite. Mais peut-être que, quelque part devant son poste de télévision, une personne un peu gênée s’est rendu compte que sa collègue qui vient de perdre son bébé était sans doute en état de souffrance. Et que ce serait bien de l’inviter à prendre un café et de lui demander comment elle va, au lieu de faire comme si cela n’était jamais arrivé.

Voilà Nathalie, c’était tout ce que j’avais à te dire. Je vais te laisser retourner auprès de ton Jean, et je ne reparlerai plus de toi ici. C’est promis. Continue de danser, tu le fais superbement bien. Mais, comme le disait ma grand-mère: « on tourne 7 fois sa langue dans sa bouche avant de parler, sinon on risque de dire des bêtises ».

 

Source: http://www.voici.fr/news-people/actu-people/nathalie-pechalat-reproche-a-tonya-kinzinger-d-avoir-parle-de-sa-fausse-couche-dans-dals-548053 (mais ça a été repris un peu partout sur le net).

 

Cet article a 14 commentaires

  1. Eva

    je n’étais pas au courant de cette *saillie*… en effet moralisatrice, inélégante et pas empathique du tout… on a l’impression que Tonya Kinzinger a montré sa foufoune à l’écran un samedi soir, et pas qu’elle a parlé de la mort de son bébé. Par contre elle aurait évoqué le décès de son grand-père, tout le monde aurait trouvé ça touchant.

    1. Urbanie

      Oui, c’est tout à fait ça… en fait, la mort d’un enfant est taboue, il n’existe aucun mot dans la langue française pour la désigner, ce n’est pas un hasard. Ce n’est pas dans l’ordre des choses, et ça dérange littéralement les gens quand cela arrive à quelqu’un. Je suis à peu près certaine que parler de la mort de son grand-père aurait été mieux reçu!

  2. Aileza

    Bonjour Urbanie, je trouve ton article touchant et très juste. J’avais moi aussi un peu tiqué en lisant ça. Je pense que bien souvent tant que l’on n’a pas vécu les choses, on est susceptible de commettre ce genre de grosses maladresses. Quand bien même, il ne se serait agi que d’une « simple fausse couche » (très gros guillemets) j’aurais trouvé cela tout aussi choquant. Comme quoi on peut faire preuve de sensibilité quand on danse mais en manquer dans la vraie vie 🙁

    1. Urbanie

      Merci Aileza,
      Oui, c’est toute la difficulté de ce genre de drames: il y’aura toujours des gens pour juger la façon dont tu vis ton deuil. Ce qui me titille, c’est quand la personne est connue, donc que sa parole a une vraie portée publique. Moi, je me bats déjà pour faire exister ma fille dans les conversations, alors ce qu’elle a dit, c’est une énorme maladresse, parce qu’il y’a sans doute des gens qui vont se dire qu’elle a raison de condamner ça. Même si je pense qu’elle a surtout voulu condamner le fait de raconter sa vie sur un plateau télé.

  3. Camille

    Il y a pas loin de 10 ans, une de mes cousines a perdu son bébé a un stade avancé de sa grossesse. Il avait une grave maladie orpheline génétique, ou qqch comme ça, je sais plus trop. Un sale truc qui touche un bébé sur un million et qui fait que c’est dangereux pour la mère et l’enfant de continuer la grossesse.
    Avant de lire tes articles, je trouvais ça bizarre qu’elle parle de lui comme son ange dans le ciel. Bon faut dire que niveau cucuniaiserie, ma cousine sait y faire. Cette branche de ma famille fait des photos de grossesse chez le photographes comme si les années 80 n’étaient pas tout à fait terminées dans l’Est de la France…
    On a toujours considéré ça mal qu’elle en parle, comme si elle se faisait du mal toute seule et qu’il fallait absolument qu’elle oublie. Mais ton article me fait penser qu’elle avait pas forcément tort, et nous pas forcément raison, même si ça ne partait pas d’une mauvaise attention.

    Bref, finalement, en y repensant, ça aura servi à quelque chose Sous le soleil.

    1. Urbanie

      Oui, sur internet on nous appelle les « mamanges ». Je te rassure, j’ai trouvé bizarre au début aussi 😉 Mais c’est notre petit nom, et je l’ai donc adopté.

      En fait nous ne parlons pas de nos bébés pour nous faire du mal ou ressasser, mais simplement parce que pour nous, ils sont bel et bien réels. Nous en parlons comme nous parlons de nos maris, de nos proches, de nos collègues. Ils ont un prénom, et une tombe sur laquelle nous pouvons nous recueillir. La mort n’enlève rien au fait que cet enfant à été présent, un jour, et que nous ne pourrons pas l’oublier (ça c’est impossible). C’est cette réalité là qui est difficile à faire comprendre parfois.

  4. Pititefleur

    J’avais lu l’article que tu cites en me disant que c’était pas très délicat de sa part de juger ce besoin qu’elle avait eu d’évoquer cet épisode injuste dans une vie.
    Je ne pretends pas connaitre la douleur des mamange, mais on a vécu dans ma famille il y a des années un drame similaire. Ma tante attendait une petite fille qui est morte dans le dernier mois. J’étais très jeune mais je me rappelle qu’on m’avait expliqué que le bébé était tombé malade. A l’époque bien sur je ne comprenais pas vraiment. Je sais que quand j’ai été un peu plus âgée j’ai posé des questions à ma maman qui m’a expliqué que le bébé était né, mort et qu’il avait été enterré et elle m’a donné son prénom. J’y pense souvent quand quelqu’un m’apprends sa grossesse. Je pense à cette petite fille qui n’a pas eu la possibilité de vivre.
    Je trouve que les personnes comme toi qui en parlent, sont très courageuses. Et ta petite fille peut être fière de toi car tu la fait exister aux yeux des autres.

    1. Urbanie

      Merci pour ton gentil commentaire Pititefleur 🙂

      Oui, en effet: ce genre de drame ne se limite pas que aux parents, mais peut aussi toucher toute la famille durablement.

  5. Lunaly

    J’ai entendu parler de cette histoire dans les médias. Je trouve que c’est très malvenue de la part de cette patineuse de se permettre de critiquer sur un sujet dont elle n’a pas été touchée personnellement. Comme je dit souvent, quand on n’a pas vécu ce genre de choses, il vaut mieux s’abstenir de critiquer. Les gens sont vraiment bêtes mais bon venant de ce milieu (le showbiz en gros) ça ne m’étonne pas. Perdre un enfant est horrible et je n’ose imaginer la désolation des parents qui sont touchés par ce deuil.

    1. Urbanie

      Je ne sais pas si c’est spécifique au showbiz, autour de moi beaucoup de gens ne comprennent pas ce que je traverse non plus, ce qui donne également lieu à des situations absurdes, ou carrément blessantes. Le fond du problème, c’est non seulement que ces gens là ne savent en effet pas de quoi ils parlent, mais qu’ils se permettent de juger une situation à laquelle ils ne font pas l’effort de s’intéresser non plus. Je suis du même avis que toi: si on a pas connu, on s’abstiens de juger (ça vaut pour tout!), ou alors on fait l’effort d’essayer de comprendre un minimum. Mais juger à l’emporte pièce un sujet aussi sensible et douloureux pour les familles ne peut rien donner de bon.

  6. Illyria

    Merci pour ton article… Il m’a fait prendre conscience que même si la réaction des autres peut être difficile à assumer, parce que ça casse l’ambiance de dire que son frère est décédé, parce que « la pauvre elle a vécu des épreuves », je ne peux pas faire comme s’il n’avait jamais existé, faire comme si j’avais seulement une soeur et pas aussi un frère, je ne peux pas faire comme s’il n’avait jamais existé… Il faut que j’arrive à assumer ça aux yeux des autres, parce que même si ça fait 10 ans, il a toujours été là, il a toujours existé… (enfin c’était pas du tout un deuil périnatal, mais bon le sujet est le même)
    Courage à toi aussi et merci pour ton article criant de vérité, qui permet d’ouvrir les yeux.

  7. Madeleine

    Bonjour Urbanie,
    Ce n’est qu’aujourd’hui que je lis tes articles. Ça me touche beaucoup et merci beaucoup de parler de ce sujet, car tu m’as ouvert les yeux sur plein de choses.
    Ma famille a aussi vécu un énorme drame il y a quelques années (accident avec décès de plusieurs enfants, mes cousins). C’est quelque chose qui bouleverse entièrement une vie, même si extérieurement tout reprend comme avant. Pour moi tout a changé ce jour-là, absolument tout. Même si je suis retournée en cours dès le lundi et que tout s’est passé comme si de rien n’était. Et les gens qui te disent « n’y pense plus, tourne la page » (comme si c’était possible, comme si on le souhaitait même !).
    Ça fait 12 ans maintenant, je vais bien mais j’y pense encore chaque jour bien sûr (ce que peu de gens comprennent !) . Je pense que ce drame m’a fait prendre du recul sur plein, plein, plein de choses,.. hé bien malgré tout je pense qu’avant de te lire j’aurais fait partie des gens pas sympas qui ne t’auraient pas comprise. Voilà pourquoi je te remercie, grâce à toi je me suis arrêtée 5 minutes, j’ai réfléchi à ce que tu racontes, tu expliques bien, je me suis reconnue dans ce que tu évoques (toute proportion gardée bien sûr car je n’ai pas perdu un enfant). Je pense que maintenant je ferai plus attention et je serai plus gentille si quelqu’un vit un drame comme le vôtre autour de moi.
    Pour finir, je me permets juste de partager deux citations qui m’ont aidée :
    – une triste : « Je ne savais pas que la douleur comporte d’étranges labyrinthes dans lesquels je n’avais pas fini de marcher » (Les Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar) ; pour se dire que non, nous ne sommes pas « anormales » d’être tristes pendant si longtemps après.
    – une plus joyeuse : « The sun also rises » (titre d’un roman de Hemingway), parce que, quoi qu’on fasse, ça reste vrai.
    Bon courage et bonne continuation. Prends bien soin de toi.

    1. Urbanie

      Merci énormément pour ton témoignage. Je suis tellement désolée de lire ce qui est arrivé à ta famille… j’ai toujours du mal à comprendre comment on peut encourager des gens qui ont vécu un tel drame à « passer à autre chose ». Penser à ceux qui sont partis ne veut pas dire que l’on s’enlise dans la tristesse, mais simplement que l’on continue de chérir ceux qui sont partis…
      Je te remercie pour ta gentillesse, et pour tes citations que je vais garder en mémoire.

  8. Lili

    je n’avais pas lu ce billet avant aujourd’hui. Urbanie, un grand merci d’écrire tout ça aussi bien.

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