Rien de très politiquement correct aujourd’hui, mais j’ai envie qu’on essaie de dépasser un peu nos à priori et nos préjugés. 😉
Je suis dernièrement tombée sur un article relayé via Facebook (mes journées sont fascinantes, tu sais?), sensé indiquer les erreurs à ne pas commettre lorsque l’on souhaite émigrer au Canada – I KNOW! Mais je m’ennuyais, je me suis dit que ça pourrait être sympa de le lire, j’ai cliqué.
J’en ai eu pour mes frais: sous couvert de dénoncer les erreurs courantes à ne pas faire dans le cas d’une immigration France-Canada, le mec se payait juste la tête des immigrants issus de Grandes Écoles françaises. Pour être encore plus exacte, il se payait visiblement la tête d’UNE personne issue d’une grande école d’ingénieur qu’il a manifestement eu le malheur de côtoyer (ça n’était pas dit comme ça, mais c’est pas hyper dur à comprendre). Ce qui me chiffonne, ce sont les généralités absolument nauséabondes qui sortent de cet article. Parce que, étant (entre autres) diplômée d’une école de ce type, je me retrouve plus qu’à mon tour propulsée dans la catégorie « Super Connasse » dans l’esprit des gens.
J’en ai un peu marre de me retrouvée stigmatisée régulièrement par des gens qui sont persuadés que diplômé sorti de grande école = connard à l’égo surdimensionné. Je sais que la vie est ainsi faite que les gens adorent mettre les autres dans des cases déjà pré-remplies, ça leur simplifie vachement la vie ensuite. Ca doit être chouette de se lever le matin et de ne pas avoir à se poser de questions, quelque part je crois que j’envie ces gens. Mais la plupart du temps, ça me fatigue.

J’ai conscience aussi d’être une privilégiée en ces temps de crise, grâce à mes diplômes justement, et je me doute que beaucoup des réactions de rejet que je rencontre viennent de là. Cet article n’est pas là pour discuter de la pertinence de ne recruter les jeunes qu’en fonction de critères établis sur leur diplôme (là-dessus, je pense qu’on a beaucoup à apprendre des anglo-saxons). Tu ne sors pas d’une école de commerce, donc tu vas très certainement galérer (alors que tu es sans doute hyper talentueux et motivé).
Et puis en jeune femme blanche, je n’ai pas non plus à subir les discriminations de tous bords (sauf quand on me demande un peu trop quand je souhaite procréer).
Je ne suis pas un pur produit estampillé Grande École, et c’est sans doute pour cela que ces préjugés m’énervent autant: je suis passée par la fac (4 ans), puis par un IEP de province (2 ans), puis par une dernière année en Grande École (1 an).
Ce que j’aime dans mon parcours, c’est que non seulement j’en suis fière (et je n’ai aucune honte à le dire), mais qu’en plus j’ai pu bénéficier d’un joli aperçu de ce qui se fait globalement dans l’enseignement supérieur en France. Et si vous voulez tout savoir: des crétins finis qui se la pètent en pensant que tout leur est dû? J’en ai croisés aussi bien à la fac que dans ma Grande École parisienne.
Je parlais dans ce billet-ci de professeurs prétentieux croisés dans mon IEP de province: j’ai également eu la chance de suivre dans ce même IEP des cours de professeurs brillantissimes. Comme à la fac. Et comme dans ma Grande École. (Ca marche aussi dans le sens inverse: je me souviens d’un cours sur la culture de la betterave en Allemagne absolument démentiel d’absurdité à la fac.)
Ce qui change entre ces 3 cursus? La sélection à l’entrée, bien sur (cela étant, si la sélection n’est pas drastique à l’entrée de l’université, elle se fait ensuite naturellement au fil des années). Les frais de scolarité (je rembourse encore mon prêt étudiant). Et une certaine conception de la vie, tout bêtement: j’ai beaucoup plus appris en termes académiques à l’université ou dans mon IEP; en revanche, passer par une Grande École m’a aidée à me libérer de pas mal de préjugés que j’avais sur le monde -par exemple, qu’échouer n’est souvent qu’une étape dans un parcours (avant, je pensais que c’était trop la honte et que à la première erreur, il fallait jeter l’éponge). Et aussi que on a rien sans rien: si tu n’essaies pas, ça ne marchera pas (bon, ça a l’air évident comme ça, mais j’avais aussi une légère tendance à rester dans l’attente – aujourd’hui, si je veux quelque chose, j’essaie d’agir. On peut en rigoler, mais ça n’est pas toujours si facile qu’il n’y parait!).

Ce qui a beaucoup changé aussi, c’est le comportement des gens à mon égard, parfois violent ou méprisant. Oui, je fais ma pauvre petite fille surdiplômée, mais c’est parfois pénible. Quand j’ai été admise dans ma Grande École, je sortais de 6 mois de stage cataclysmique. Tu sais, avec le genre de boss totalement irrationnel qui te hurle dessus parce que tu t’es servi une tasse de café (c’est du vécu) et qui en prime refuse de te payer à la fin (vécu aussi). Je t’épargne les détails, mais on était à cette époque en train de se demander sérieusement s’il fallait porter plainte ou non (avant d’apprendre que, quand tu es stagiaire, tu n’as juste aucun recours face à ce genre de pratique. Lamentable, mais c’est encore un autre sujet). Tu pourrais penser que tout le monde a été hyper content que je m’en sorte quand j’ai été admise dans mon école? Non, il y’ a même eu une fille pour m’écrire une espèce de mail minable qui disait, en substance, que « je me la pétais grave » parce que j’avais été admise. Ça aurait pu me faire réfléchir, sauf qu’il se trouve que 1) le mail était écrit par une nana de sciences po (les élites qui chouinent sur les élites, toussa) et 2) je n’avais pas vu cette meuf depuis plus de 6 mois. A la place, j’ai juste trouvé le procédé à vomir.
Le hic, c’est que le mail de cette nana ne fait que refléter ce que beaucoup de gens pensent: que les grandes écoles, c’est le Mal incarné (tu multiplies ton nombre de points sataniques par 1000 si la grande école en question se trouve à Paris). C’est comme ça que, parfois, je me retrouve dans des situations complètement absurdes: ça va être le mec qui te demande en soirée ce que tu fais et qui quitte la pièce quand tu lui réponds que tu as étudié dans tel endroit. Les « nan mais ces diplômes-là, c’est bien connu, ça s’achète! ». Les collègues qui multiplient les « sous-entendus » sur tes capacités professionnelles (oui, parce que n’en déplaise à ce gentil blogueur qui a eu un vilain collègue sorti d’une grande école: le mépris gratuit, ça marche aussi dans l’autre sens!).
Pire: si je manifeste de l’enthousiasme en parlant de mon parcours académique, on en déduit aussitôt que je ne suis qu’une sale peste prétentieuse (alors que non: je suis heureuse, point à la ligne).
J’ai gardé des amis de la fac, de l’IEP, et de la Grande École: aucun d’entre eux n’est du genre à se prétendre plus grand qu’il ne l’est réellement. Je ne débarque jamais dans un poste en prétendant apprendre aux autres comment ils doivent faire leur boulot. Je n’ai aucune honte à demander de l’aide si je sens que j’ai besoin d’apprendre. Je ne dévide pas mon CV dans son intégralité quand je rencontre des gens. Mais, à cause de ce genre de préjugés, véhiculés par un blogueur visiblement en colère contre une personne en particulier, je reste encore un peu plus stigmatisée pour ce que je représente, que pour ce que je suis. Je sais que combattre les clichés est une guerre perdue d’avance, mais c’est absolument pénible.
Sur ce, je te laisse, mon Champagne a tiédi.
Selon moi, tous ces gens qui ont des préjugés ne sont que jalousie.
Ça doit être agaçant de subir un peu tout ça… Mais ce qui compte c’est que tu sois bien dans tes pompes et les vilains, tu les emm*rdes (OK, plus facile à dire qu’à faire parfois, je te l’accorde :p )
En fait ça regroupe énormément de choses: la jalousie, très certainement, mais pas que. Il y’a aussi le rejet des recruteurs qui, même des années après la fin des études, continuent de voir tes diplômes avant de regarder l’expérience professionnelle; l’amertume de ne pas s’en sortir aussi bien professionnellement qu’espéré; la réputation de l’école qui synthétise à elle seule beaucoup de colère… Le plus difficile ne sont pas tant les préjugés (on en a tous) que la violence purement gratuite des gens en face.
Et parfois, ça fiche les jetons de te dire que, pour la personne qui est en train de s’exciter sur ton cas, tu n’es pas considérée pour qui tu es, mais pour un petit bout de ton CV ou au regard des frustrations accumulées de ton interlocuteur.
Je ne remets pas en cause toutes les choses désagréables que les gens ont pu te dire mais au final, c’est une chance. Je pense que c’est plus difficile pour les gens qui n’ont pas étudié. Que pensent les gens quand on dit « j’ai fait un CAP coiffure »? je pense qu’ils doivent entendre bien pire que les diplômés de grandes écoles. Et en plus, ils doivent vivre avec un sentiment d’infériorité (mais bon je ne veux pas généraliser) dans le sens où, souvent, la plupart d’entre eux regrettent de ne pas avoir fait de plus longues études. Alors tous ces commentaires à la con sont juste une preuve de ton courage, ton assiduité et de ta chance.
Au plaisir de lire ton prochain article 😉
Je mesure ma chance, j’en ai grandement conscience! Parce que, faire de longues études n’est pas conditionné que à ton intelligence (le niveau socio-économique des parents, ta confiance en toi, ta situation matérielle et ta capacité à payer les frais de ces écoles – tout cela compte, et je suis la première à remettre à leur place ceux qui oseraient dire le contraire!)
Mais, parfois, j’en ai marre aussi d’être la victime collatérale de ce type de préjugés. Je ne dis pas que je suis la plus malchanceuse de la terre, hein, loin de là! Mais l’agressivité gratuite n’est jamais agréable, et c’est vrai que je n’ai jamais encore lu ou entendu de point de vue inversé, donc je me suis dit que ce serait pas mal de reprendre un peu la parole! 🙂
Et moi je n’ose pas sortir courir avec mon beau pull à capuche estampillé « HEC ». Je me fais insulter à chaque coin de rue (insultes verbales + regards noirs + moues méprisantes). Pourtant il est confortable ce pull 🙂
Lui, il ne sort pas de chez moi non plus! 😀
J’ai vu un type un jour le porter dans le tram, j’ai salué son courage intérieurement!
Mince je me demande qui t’a envoyé ce mail maintenant ( astuce, j’ai oublié la moitié des gens de l’IEP alors bon…)
Pareil, c’est flippant de ne pas se souvenir de gens que tu as côtoyé plusieurs années, hein!
oups, j’ai mis le mauvais nom dans mon commentaire d’avant…
Je me suis précipitée pour lire ton article dés que j’ai lu le titre, c’est un sujet qui me parle bien et que je trouve très intéressant.
J’avoue très platement que je fais partie des personnes assez critiques des études et diplômes des grandes écoles et que je me retrouve dans beaucoup de préjugés que tu cites, pas du côté de la victime mais plutôt du bourreau et je n’en suis pas fière…
On est souvent conditionnée par notre vécu et pour ma part ce n’est pas la jalousie ou l’aigreur qui animent mes pensées.
Ton article, comme tous les autres, est très bien écrit, et c’est vrai que tu fais partie des exceptions qui tendent à ne pas faire de généralités. Tu as raison d’être fière de ton parcours et j’espère avoir vite l’occasion d’échanger sur ce sujet avec toi car une différence de point de vue n’empêche pas des échanges riches et interressantes, au contraire donc à très bientôt !
Aucun problème, on aura tout le loisir d’en discuter! 🙂
Si on ne peut que comprendre ta position, je pense que ce que les gens peuvent ressentir en voyant de tels parcours, c’est de la frustration.
Frustration d’une part car oui, ces cursus sont « chers »…, mais surtout, frustration par le manque de considération de parcours plus ordinaires de la part des recruteurs.
Si je ne prends que mon cas, c’est flagrant. Je suis juriste, donc un M2 en Droit dans une très bonne fac. Eh bien, je suis en permanence en concurrence dans les postes avec des personnes sorties d’IEP… Et les recruteurs s’arrêtent là. dès qu’ils voient un candidat avec ce genre de profil, il le préfère à un autre de mon type. Pourtant, nos compétences juridiques ne sont pas les mêmes! Je pense sincèrement que c’est ce manque de reconnaissance qui engendre une grande partie des préjugés dont tu fais l’objet. A croire, que le français lambda, issu d’une fac, n’a pas de valeur.
Certes, on ne doit pas être enfermé dans nos diplômes, mais recruter des personnes parce qu’elles ont fait telle ou telle école, ce n’est, à mon sens, pas normal non plus.
Oui, je comprends tout à fait, et je suis d’accord sur le fait que notre recrutement s’attache trop au nom de ton diplôme, plus qu’à tes compétences. On ne va pas se mentir, c’est aussi pour ça que j’ai fait une Grande Ecole: pour avoir un travail!
Le hic, c’est que à mon échelle à moi je ne peux pas changer les mentalités des recruteurs; et je subis de plein fouet la haine des autres, c’est très frustrant pour moi aussi.
Bon après, encore une fois, je ne suis pas la plus à plaindre non plus! J’avais juste envie de parler de l’envers du décor, et de reprendre la parole.
et le pire du pire, avoir fait une grande école ET UNE PREPA!! alors là c’est le jackpot: on est bachoteur, on ne sait pas travailler ou réfléchir par soi-même, on se la pète, on est élitiste, individualiste, prêt à marcher sur les autres pour y arriver…
tout ça bien sûr asséné par des gens qui n’ont jamais fait de prépa mais qui connaissent quelqu’un qui connait quelqu’un qui lui a dit qu’en prépa ça se passe comme ça !
OUF je n’ai pas fait de prépa, je suis sauvée! 🙂
C’est tout le problème avec les préjugés: ils sont presque toujours véhiculés parce que tu n’as pas vécu le truc, c’est bien ça qui les rend si agaçants!
j’ai fait une prépa, une classe étoile en 2ème année (là où vont les meilleurs de première année de prépa, en filière scientifique), et 2 grandes écoles (Mines Nancy et IFP).
Voilà, bac +6, aucun raté. Je suis fière mais je n’ai jamais jugé un seul métier. Et c’est ça qui m’énerve, comme tu dis, qu’on nous juge. J’en avais des cons dans ma classe de prépa qui se foutaient des CAP de metiers manuels. Mais je leur répondais « ah bon? parce que toi tu sais faire de la soudure / coiffure / plomberie? tu sais faire des gâteaux et du pain en te levant à 3h du matin? » Donc j’ai de l’estime pour tous les gens qui bossent et qui en veulent.
Et comme toi j’ai subi ce que tu dis, mais moins maintenant quand même.
Quand j’étais en prépa, je n’avais même pas encore passé mes concours du coup, et les gens me trouvaient « prétentieuse » dès que je disais ce que j’étudiais. mais prétentieuse de quoi? j’avais encore rien réussi en plus! N’importe quoi.
Effectivement les gens qui me font des réflexions sont en général les gens un peu frustrés par leur propre parcours, qui je pense n’ont pas eu la chance d’avoir l’accès à ces études ou des parents qui ont aidé derrière (pour ma part mes parents nous ont beaucoup encouragés mes frères et moi et nous avons tous les 3 fait des études longues).
Bref, tout ça pour dire, je te comprends 😉
Je le subis de moins en moins, uniquement quand le sujet des études arrive dans la conversation, ce qui est donc de moins en moins fréquent.
Et je suis d’accord: je respecte tous les métiers, je ne supporte pas non plus les manifestations de mépris, quelles que soient leurs provenances.
Je suis vraiment désolée que tu sois la cible de préjugés découlant de tes études. Avec mes deux bac+5, je suscite aussi jalousie et envie chez des personnes qui ont arrêté leur cursus avant moi, mais je pars toujours du principe qu’il vaut mieux faire envie que pitié, même si mon activité d’entrepreneur me place probablement dans une situation plus facile à vivre au quotidien, puisque je ne suis pas jugée par les recruteurs, les collègues ou la hiérarchie comme c’est ton cas.
Je suis également navrée qu’un simple lien partagé sur ma page FB t’ait mise en colère (par contre, c’est chouette que tu en aies tiré un article !), mais je ne partage pas ton interprétation de l’article ; pour moi, il s’agit simplement de la caricature d’une catégorie de personnages arrogants, et non d’une attaque ciblant une personne en particulier. J’apprécie la critique au vitriol (et me suis reconnue dans ce tableau des immigrants français trop sûrs d’eux), mais je n’aurais pas relayé un lynchage personnel.
Je me sens particulièrement concernée par cet article… Bon. Je n’ai fait aucune Grande École puisque je suis encore en prépa, mais on nous prépare ardemment à devenir « l’élite de la France » (LOL). Effectivement, les préjugés sont tenaces. Mais… Il y a quand même un (grand) fond de vérité. Je pense que ce qui te donne autant de recul c’est justement ton cursus multiple. Et j’affirme aussi qu’il y a des gens qui ont fait Prépa/Grande École/Métier de ouf qui ne sont pas snobs.
Mais j’avoue que vivre une prépa, c’est te faire enfermer dans une bulle par des gens enfermées dans une bulle. Les profs de prépa ont pour la plupart fait une prépa et une Grande École pour retourner en prépa en tant que professeurs. Ca donne des gens complétements déconnectés et pompeux (pas tous, j’ai aussi des profs aimés et vénérés de tous (qui viennent souvent de la fac en fait (mais pas que !))) qui guident les élèves vers les mêmes comportements…
Je comprends les reproches qui nous sont faits mais là où je te rejoins, c’est dans la généralisation abusive qui est faite. Et puis, si on arrêtait de blâmer des élèves qui veulent juste être les mieux formés possible pour changer un peu le système qui déconnecte les « élites » du monde réel ?
Je suis complètement d’accord avec ton analyse! En plus la chute est d’autant plus difficile quand tu as été formaté à être une « élite » et… que tu ne trouves pas de boulot (c’est la crise pour tout le monde). Du moins, c’est ce que j’ai pu constater -et c’est ce qui explique en grande partie le mail haineux que j’avais reçu à l’époque.