Depuis que j’ai fait mon « coming out » bloguesque, me voilà amenée régulièrement à expliquer que je suis membre d’une communauté en ligne, et que je m’y suis fait des amies. Et là, en général, je vois la personne en face me sourire poliment, d’un air de se dire « Mais bien sûr! Et le chocolat, il met la marmotte dans le papier d’allu! ». Je suis pas loin de passer pour une grosse geekasse qui n’a pas d’amis. Ou qui s’inscrit sur les forums.
Internet a certes révolutionné les usages quotidiens, mais aussi notre rapport à l’autre. On est aujourd’hui plus obligés de se « voir » pour nouer des liens. Je comprends que l’amitié online puisse paraitre follement abstrait comme notion, et il y’a encore deux ans, j’aurais été la première à hausser les sourcils aussi.
Sauf que pour des raisons diverses et variées, j’ai revu intégralement ma notion de l’amitié ces 2 dernières années, réelle ou virtuelle.
Ou vais-je, qui suis-je, dans quelle étagère quoi.
Bref, un ami: c’est quoi? Voici ma vision (très personnelle, je m’en doute).
Un ami, c’est d’abord quelqu’un avec qui tu partages un lien, et c’est follement irrationnel. Ça n’a rien à voir avec le niveau socio-professionnel ni avec l’âge (même si ça aide). La littérature fourmille d’amitiés improbables, et j’aime bien cette idée que l’autre, dans toute sa différence, peut aussi te toucher. J’aime bien aussi me dire qu’internet nous aide à sortir de notre zone de confort pour rencontrer de nouvelles personnes à qui on aurait pas forcément fait attention au quotidien.
L’amitié, c’est la bienveillance: tu es sans doute différent, tu ne réagis pas de la même façon que moi dans une situation donnée. Tu ne vis pas la même vie que la mienne. Si je ne te regarde pas avec bienveillance, je ne peux pas t’offrir mon amitié, c’est tout simplement impossible.
L’amitié, c’est la confiance. Ne pas dévoiler à d’autres ce que tu sais et qui pourrait embarrasser. Ne pas essayer de traquer ce que te raconte l’autre pour toujours vérifier s’il ne te ment pas. Accepter aussi qu’on est pas obligés de te tout se dire. Et que, si l’autre te ment parfois, c’est qu’il a ses raisons (que tu n’as pas forcément besoin de savoir, tant que cela ne te nuit pas).
L’amitié, c’est le respect: je n’essaie pas de te convertir à mes valeurs, mon mode de vie, ma vision du monde. A la place, je vais plutôt essayer de te comprendre et de me nourrir de tes idées. Et puis si je ne suis pas d’accord avec toi, j’accepte que tu ne sois pas d’accord avec moi non plus, et que ce n’est pas un drame.
L’amitié, c’est laisser son espace de liberté à l’autre. J’ai longtemps été enfermée dans une amitié version « tu sautes, je saute » (mais c’est mieux si tu sautes d’abord, que tu m’attends en bas, que tu me réceptionnes, et que laisses ta vie en plan juste pour moi, sinon attention ça va chier). Le côté « sacrificiel », c’est sympa quand on a 12 ans, ça devient plus compliqué à gérer quand on commence à avoir un boulot, un mari, et des enfants. Bref, une vie.
L’amitié n’aime pas la manipulation. Si tu as besoin de me mentir, ou de malmener mon entourage, dans l’idée me garder: tu me fais du mal, tu blesses mes proches, et tu ne penses qu’à toi. Nous n’avons donc rien à faire ensemble.
L’amitié, c’est ne pas faire peser trop de choses sur les épaules de l’autre. Je ne suis responsable du bonheur de personne, sauf du mien. Je peux t’aider à aller mieux, te soutenir, t’aider si je le peux. Mais je ne peux pas porter sur mes épaules le poids de tes attentes, de ta vie, de ton bonheur.
L’amitié, ce n’est pas compter les points. Quand je fais un geste envers un proche, je n’attends pas ensuite que l’autre fasse exactement la même chose pour moi. Sinon, c’est que mes attentes envers l’autre (qui n’est d’ailleurs absolument pas au courant de mes calculs) ne sont pas tout à fait nettes. Et que je lui fais donc peser trop de choses sur les épaules.
L’amitié, c’est la réciprocité: je ne compte pas les points. Mais je sais que tu seras la si j’ai besoin de toi. Parce que j’ai confiance.
Voilà, ça ce sont mes critères à moi, et je me rends bien compte qu’il s’agit encore une fois d’une démarche très personnelle, et qu’il existe autant de définitions de l’amitié que de personnes.
Mais je dois avoir fait quelque chose de bien dans une autre vie, parce que j’ai la chance d’avoir des amis, des vrais. Des de la vraie vie que je vois régulièrement. Des qui sont connectés à leur clavier. Des que je vois peu mais qui me suivent depuis des années. Mais des vrais amis qui sont là en cas de vrai coup dur.
Voilà, demain on parle de poneys qui pètent.