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La minute littéraire: « Vingt-neuf semaines et des poussières d’étoiles », Aude Ceccarelli (cherche midi)

Nous poursuivons cette nouvelle rubrique avec la chronique d’un livre que j’ai beaucoup aimé lire, « Vingt-neuf semaines et des poussières d’étoiles », d’Aude Ceccarelli, publié aux éditions du Cherche Midi.

Ce livre est un témoignage, celui d’Aude, qui a vécu une IMG à 29 semaines de grossesse il y’a 6 ans, alors qu’elle était expatriée au Kazakhstan. De cette IMG, il ne reste aujourd’hui plus grand chose: une enveloppe contenant quelques artefacts de l’hospitalisation, une photo, un bracelet, mais aussi et surtout des souvenirs plein la tête. Comment faire exister cet enfant qui n’a jamais pu vivre, quand la terre entière semble avoir oublié? En écrivant le récit détaillé et circonstancié des événements, bien évidemment.

 

« Comment faire son deuil d’un bébé né sans vie? Comment continuer sa vie après avoir exigé si fort du corps médical la mort de son propre enfant? Comment se dire qu’on a été parents d’un enfant qui a à peine existé? »

 

Le témoignage déroule ainsi l’intégralité de son expérience, depuis le test de grossesse positif, l’annonce du diagnostic, l’accouchement, jusqu’à ce qu’elle appelle sa « rédemption » – ce moment où, enfin, elle parvient à tenir sa petite nièce dans ses bras, sans jalousie, ni colère.

C’est un témoignage poignant- mais quel témoignage sur l’IMG ne le serait pas? – qui demeure cependant universel malgré la subjectivité du vécu de l’auteure. Bien évidemment, je pense que nous ne lirons pas le récit de la même manière selon notre propre vécu. Cela va nécessairement être très personnel, mais j’ai été sincèrement étonnée et désolée de lire leur combat pour accéder à l’Interruption Médicale de Grossesse (l’auteure et son mari ont en effet du argumenter devant une commission composée de plusieurs médecins): mon vécu m’a épargné cela, je n’ai jamais eu à devoir « justifier » ma demande. Je ne saurais vous dire à quel point j’aurais été révoltée d’avoir du le faire compte tenu de la maladie suspectée dans le cas de leur fils, quand on sait déjà la violence et le traumatisme que peut représenter le deuil périnatal… il s’agit du passage qui m’a le plus chamboulée, et j’y repense encore fréquemment, plusieurs jours après avoir refermé le livre.

Surtout, le récit est remarquablement bien écrit, ce qui mérite d’être souligné (les témoignages de parents endeuillés sont rarement le fruit d’auteur(e)s professionnel(le)s: ils ont le mérite de faire exister un vécu, de parler du deuil périnatal, mais je ne vous cache pas que la lecture demeure plus agréable lorsque la plume est aguerrie).

Aude Cecarrelli fait revivre sa mémoire en se focalisant sur les sens: les scènes surgissent par la grâce de la couleur d’un ciel ou d’une tenue de grossesse, dans le bruit des chaussures d’une infirmière sur le sol de l’hôpital, dans la chaleur d’un soleil d’été sur son corps de femme encore enceinte, au son des phrases chantantes prononcées par des médecins italiens. 

On est avec Aude du début à la « fin »: quand elle découvre sa grossesse, quand elle part en vacances en famille, quand elle déroule l’intégralité du moteur de recherche de Google pour comprendre de quoi souffre son fils, ou qu’elle enquille sans broncher les kilomètres qui la séparent des médecins français qui la suivent.

On est avec elle aussi pendant l' »après », en haut d’une tour Eiffel quelques jours après l’accouchement (ici, on était partis à Disneyland, ndlr), face aux commentaires incontournables et maladroits des proches, à son retour au bureau, devant des collègues qui agissent presque comme s’il ne s’était strictement jamais rien passé (un vécu universel, si cela peut vous rassurer) (quoi que, je ne suis pas sure que cela soit si rassurant que cela, finalement, cette capacité incroyable à nier totalement l’horreur vécue par une personne avec laquelle on passe pourtant 8 heures par jour) (mais je m’égare).

Bref, « Vingt-neuf semaines et des poussières d’étoiles » est un très beau témoignage, forcément bouleversant, mais aussi un joli moment de littérature. Je vous le conseille vivement.

Prix: 17 euros, sur Amazon ou à la FNAC

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